Internats d’excellence : L’égalité des chances en question

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Depuis 2009 émergent en France des écoles à part. Les internats d’excellence s’adressent à des collégiens, lycéens et étudiants motivés, qui ne bénéficient pas d’un environnement favorable pour réussir leurs études. Ils trouvent dans ces établissements un suivi pédagogique sur mesure.

L’enseignement français n’est pas au meilleur de sa forme… L’égalité des chances, principe supposé fondateur de l’école républicaine, connait en pratique des difficultés à s’imposer. Et pour cause, certains élèves sont scolarisés dans des conditions qui sont loin d’être les plus épanouissantes. Pourtant, quelques établissements semblent sortir du lot : les « internats d’excellence ». C’est la mesure phare du volet « jeunes » du plan Espoir Banlieues lancé en 2008 par Fadela Amara (secrétaire d’État à la politique de la ville à l’époque).

Ces établissements, véritables ovnis dans le paysage éducatif français, s’adressent aux élèves les plus méritants qui peinent à réussir scolairement dans des environnements peu favorables. Pour l’instant, quelques dix mille élèves y sont admis : repérés par leurs enseignants ou ayant eux-mêmes émis le souhait d’étudier dans de meilleurs conditions, ces élèves bénéficient d’une prise en charge pédagogique privilégiée : Chaque établissement met en oeuvre un projet pédagogique complet qui s’articule à la fois sur le temps scolaire et sur le temps de l’internat, et prévoit jusqu’à 21h des modules d’accompagnement personnalisé.

Un cadre de travail rigoureux, mais pas que : le développement personnel de l’élève est également au centre des priorités dans ces internats d’excellence. Pratiques sportives, artistiques, culturelles… Chaque établissement met l’accent sur une activité que ces élèves n’auraient pas eu la possibilité de pratiquer dans leur cadre de vie d’origine. Equitation, escrime, ateliers d’écriture encadrés par des professionnels… Autant d’activités impensables pour la plupart des jeunes de cet âge. Au cours de leur scolarité en internat d’excellence, les élèves ont également la chance de participer à un partenariat avec un centre culturel (musée, théâtre, cinémathèque), représentant un éclairage culturel privilégié. L’internat d’excellence de Metz, par exemple, est parrainé par le Centre Pompidou.

Un premier bilan encourageant

Patrick Rayou, chercheur au Centre interdisciplinaire de recherche culture-éducation-formation-travail (Circeft) de Paris VIII, a mené une première étude sur le fonctionnement des internats d’excellence, dont il a livré les conclusions au mois de janvier. Il s’est penché sur huit des treize établissements actuels.

Premier constat : l’épanouissement personnel des élèves est clairement au rendez-vous. « Beaucoup de ces jeunes qui vivent habituellement dans des endroits peu favorables à l’étude se trouvent projetés dans un univers auquel ils n’auraient jamais osé rêver », explique Patrick Rayou. Ils se disent globalement « heureux » d’évoluer dans cet environnement propice à la réussite. Certains se disent « libérés de la pression de se faire traiter de bouffon parce qu’ils sont premiers de classe », poursuit le chercheur.

Et les effets bénéfiques de l’internat d’excellence se font sentir dès le brevet des collèges. Les élèves de Marly-Le-Roy, par exemple, ont obtenu des résultats supérieurs de 20% à ceux de leurs établissements d’origine. « Quand on vous dit que vous êtes bon, vous y croyez et vous travaillez davantage. »

« Les élèves sont conformes à la description qu’on avait fait des internats d’excellence » La moyenne des élèves d’internats d’excellence ne sont pas les meilleurs, mais sont plutôt des « élèves moyens-plus » extrêmement motivés, comme l’explique Patrick Rayou dans son rapport. En revanche, il remarque que certains élèves ont quitté en cours d’année les internats d’excellence. « Erreurs de casting », selon le chercheur, qui note que cette option a été pensée pour les élèves vraiment motivés et soucieux de leur réussite.

Cache misère d’un système scolaire insatisfaisant ?

Interviewé par le journal Le Monde, Bernard Duffourg, secrétaire départemental du Snes (Syndicat national des enseignants de second degré), admet que les internats d’excellence représentent un cache misère. « Il s’agit d’une vitrine qui masque une arrière-boutique en très mauvais état. », explique-t-il. « Ce genre de structures est financé à moyens constants, c’est-à-dire au détriment des autres établissements. »

« Bienvenue dans l’école du XXIe siècle, qui fait plus pour ceux qui en ont le plus besoin, qui fait du sur-mesure », clamait Luc Chatel l’année dernière en inaugurant l’internat d’excellence de Noyon, dans l’Oise. Ceux qui en ont le plus besoin ? Une minorité d’entre eux, en tous cas. Pour chacun de ces élèves « méritants », c’est 3500 à 12.000 euros que l’Etat et les collectivités territoriales dépensent. Quid des autres ? Les Zep restent gorgées d’élèves qui pataugent entre un univers scolaire peu encourageant des conditions de vie pas toujours faciles. D’ici la rentrée 2013, l’objectif est de proposer 20.000 places et de diffuser « les innovations pédagogiques » proposés dans ces internats « dans toute l’éducation prioritaire », a assuré le ministre de l’Education Nationale. Peut-être alors, l’égalité aura sa chance. L’occasion de mettre de côté le débat sur les suppressions de postes ? Il en faudra certainement plus.

« Vous n’êtes pas des élèves de merde », Pierre Pirard

 

Chef d’entreprise belge, Pierre Pirard a tout plaqué pour devenir professeur en zone sensible. Ennuyé par sa vie de patron, sa reconversion à 47 ans a tout d’une crise de la quarantaine. Avec un but : transmettre son envie d’entreprendre. « Après avoir considéré l’humain comme un outil qui devait rentabiliser l’entreprise, j’ai décidé d’apprendre à devenir plus riche de la vie. », explique-t-il. « Pour la première fois, mon travail n’était pas de créer une plus-value pour des actionnaires mais de créer une plus-value humaine. »

Pierre Pirard aurait pu enseigner dans un établissement prestigieux, mais c’est dans la filière professionnelle d’un lycée de zone « sensible » qu’il a choisi de travailler. C’est là qu’il rencontre les « élèves de merde », pour reprendre les termes qu’il a entendu avant de commencer. L’élève de merde, c’est celui qui ne se laisse aucune chance de réussir, « celui qui bascule de la filière générale en technique et de technique en professionnelle. C’est celui qui est vautré sur les bancs et dont on se demande en conseil de classe ce qu’on va faire de lui. »

Dans son livre, Pierre Pirard raconte son parcours dans cet établissement, et propose un « plan d’action pour un enseignement de qualité, égalitaire et tourné vers l’entreprenariat. »

« Vous n’êtes pas des élèves de merde », Pierre Pirard, Editions de l’Arbre, 19euros.

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