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Albert Algoud : « Au pays des Droits de l’Homme, le droit à l’éducation des enfants handicapés est bafoué »

Homme de télévision, d’écriture, de radio, de cinéma, Albert Algoud est aussi le père d’un garçon autiste de 19 ans. Malgré sa force au combat, il avoue aujourd’hui être écoeuré par la – non – prise en charge des autistes en France. Rencontre. CM : Albert Algoud, pouvez-vous nous rappeler en quelques mots qui vous êtes ?

Albert Algoud : J’ai d’abord été prof de français, un prof de français un peu bizarre, à la fois bon et mauvais. Mauvais parce que je ne suivais pas les programmes mais bon parce que j’arrivais à faire lire les mômes. Aujourd’hui, j’ai de multiples activités. Je travaille pour la presse écrite, la radio, je suis auteur pour Laurent Gerra, je suis co-scénariste et co-dialoguiste pour le prochain film de Didier Bourdon. J’ai longtemps travaillé à Canal +, à France Inter, j’ai été rédacteur en chef de Fluide Glacial. Au départ, j’étais un guignol. Bref, j’ai coutume de dire qu’un jour, j’aurai un vrai boulot !

 

CM : Comment êtes-vous entré dans la bataille pour que les enfants autistes soient mieux pris en charge ?

AA : J’ai un enfant autiste qui a aujourd’hui 19 ans. C’est un homme et en même temps un enfant. Je suis entré dans ce chemin de croix et cette bataille quand on s’est rendus compte qu’il avait ce handicap, à l’âge d’un an et demi à peu près. Il y a 20 ans en arrière, les conditions étaient pires encore qu’aujourd’hui. Il n’y avait strictement rien hormis des initiatives isolées de parents comme l’écrivain Vautrin qui ont dû ferrailler très dur. En plus du manque de structures, du manque de personnel, du manque d’éducateurs, il y avait une omniprésence de la psychanalyse sur l’autisme, ce qui n’arrangeait rien. Pendant longtemps, à cause de la psychanalyse, on a estimé que c’était la mère qui était coupable de l’autisme de son enfant. Ca laissait les personnes autistes dans le dénuement le plus total parce que l’on s’imaginait que par le biais de la psychanalyse, on allait les sortir de là, ce qui est complètement aberrant.

CM : Que sait-on aujourd’hui de l’autisme ? Peut-on le définir plus précisément ?

AA : Vaste question. Ce sont des troubles du développement qui entraînent des troubles du comportement. La psychanalyse dit l’inverse, c’est-à-dire que ce seraient des troubles du comportement qui entraîneraient des troubles du développement. Aujourd’hui, les chercheurs s’accordent à dire qu’il y a des facteurs génétiques, neurologiques, physiologiques de l’autisme et que les troubles de l’autisme sont des dérèglements d’origine organique. Jusque-là, la négation des troubles cérébraux dans les handicaps mentaux a fait que l’on a des retards considérables en France parce qu’il n’y avait pas de prise en charge éducative. Nous, on se bat pour ça, en acceptant que la psychiatrie y prenne part. Mais la psychanalyse, dans ce domaine, a toujours été nulle et non avenue.

 

CM : Vous dites que de plan autisme en plan autisme, on n’avance toujours pas. Pourtant, 4 100 places vont être créées sur 5 ans et un budget important a été débloqué cette année…

AA : C’est totalement insuffisant même si les politiques donnent l’impression d’entendre ce qu’on a à dire. Le hasard a fait que le jour où le plan autisme a été annoncé, le Crosms (Comité régional de l’organisation sociale et médico-sociale) de Paris a rejeté 6 projets de structures sur les 7 projets proposés parce qu’ils étaient trop innovants. Mais si on empêche les structures innovantes de se monter, comment va-t-on avancer ? On en est aux balbutiements des prises en charge de l’autisme, donc il serait grand temps de tester des choses. Il n’y a pas de méthode miracle contrairement à ce qu’en disent certains. L’autisme est un handicap grave. Ce qu’on peut faire, c’est aider les gosses à ne pas être sur-handicapés, à avoir une vie digne. Le but, c’est quoi ? Etre propre, se laver, s’habiller, pouvoir circuler en ville, pouvoir entrer dans un magasin, avoir une vie sociale. L’intégration commence par là. Et il faut admettre que pour l’instant, on tâtonne.  

CM : Comment vit concrètement, en France, un enfant autiste ?

AA : Il y en a plein qui vivent planqués, avec un parent qui s’occupe d’eux en permanence. Le scandale, en France, c’est qu’il y a des écoles communales, des collèges, des lycées dans chaque arrondissement, dans chaque quartier et que, pour les enfants handicapés, il n’y a rien hormis quelques IME où ils ne sont pas toujours accueillis dans de bonnes conditions. Ces enfants n’ont pas de droit à l’éducation au pays des droits de l’homme. C’est pour les parents un chemin de croix qui en décourage beaucoup, certains se suicident avec leur enfant. Moi-même, j’ai été très virulent, très combattant, très militant. Je suis complètement dégoûté, au point que j’en viendrais à plus de subversion, à plus d’anarchie dans ma vision des choses parce que la situation est absolument écoeurante. On va nous faire encore lanterner pendant des années, et pendant ce temps, les enfants grandissent.

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