Nicolas Rey, père amoureux

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L’écrivain et chroniqueur de 39 ans a fait table rase de tous ses démons du passé. Quand il écrit il parle cru, direct, mais dans la réalité c’est un autre homme, réservé, attachant, réfléchi, ébloui, parfois rêveur, surtout quand il s’agit de raconter son fils, Simon, 7 ans.

• Que pensez-vous de la famille en général ?

Il y a deux types de famille. La première celle des liens du sang : mon père, ma mère, ma sœur et mon fils. Avec une mention spéciale pour Simon. Il est la chose la plus incroyable qui me soit arrivé. Pour la première fois est apparu dans ma vie un truc un milliard de fois plus important que moi-même, ma carrière, mes amours, ma petite affaire privée. Quel chamboulement ! Et puis il y a celle que l’on va tisser, le temps d’une existence sur terre. Ce sont mes amis, et il n’y en pas beaucoup. Ils sont ma garde rapprochée.

• Quel genre de père êtes-vous ?

Un père partagé entre la peur et l’émerveillement. Deux minutes après la naissance de Simon, je me suis retrouvé avec lui dans une grande pièce remplie de bébés. Il pleurait. J’ai posé la main sur son ventre, je lui ai parlé : « Salut petit mec, c’est normal que tu en es bavé. C’est violent ce que tu viens de vivre. J’ai plein de défauts, mais je vais essayer d’être là au maximum ». Il s’est calmé. J’aimerai bien être un père parfait genre Aldo Naouri, mais ça n’existe pas. Une semaine sur deux, je fais ce que je peux. Avec comme finalité de l’élever afin qu’il n’ait plus besoin de moi. Je suis très attentif à sa santé, son alimentation et aussi ses devoirs. J’avoue être un père totalement amoureux de cet enfant, sans aucune lucidité, ni objectivité, ni demi-mesure. Pour lui, j’ai tout arrêté. Je ne voulais pas qu’il se retrouve un jour face à une épave ou devant une pierre tombale, au cas où il m’appellerait. C’est formidable d’avoir pu l’accompagner pour sa première rentrée au Cp et de l’emmener prochainement voir un match de foot au Parc des Princes.


• Comment l’élevez-vous ?

On se devine parfaitement tous les deux. On vit dans la complicité. Et en même temps, j’aime bien le voir s’éveiller sans qu’il ait besoin de moi. Il m’émerveille chaque jour quand je l’observe faire sa vie avec ses potes, se recoiffer avant d’aller à l’anniversaire de sa petite amoureuse. Dont il ne faut surtout pas prononcer le prénom, car c’est sacré. On fait aussi les quatre cents coups à Disneyland, où il dévalise les boutiques. C’est un fan de Buzz l’Eclair et de Cars.


• L’avenir vous fait-il peur pour lui ?

Les premières semaines, dès que je me réveillais, j’allais le voir pour l’entendre respirer. Je me souviens quand il n’avait que quelques mois, j’étais chez mes parents, en Normandie, une cuvette où aucun portable ne passe. J’écrivais un bouquin. Simon était resté à Paris. A 3h du matin, le téléphone a sonné. Seuls les très proches connaissait ce numéro. Là, j’ai vraiment réalisé que j’étais papa. J’ai eu si peur. Je me suis liquéfié, je n’avais plus de jambes. J’ai imaginé le pire… C’était un mec bourré qui s’était trompé de fixe. Mais il m’a fallu deux heures pour m’en remettre. C’est fou à quel point on pourrait, à l’instant, donner sa vie pour que tout aille pour eux. J’ai compris, comme dans un documentaire animalier, la gazelle qui se sacrifie pour ses petits et la lionne qui chasse pour eux. Ce qui transcende cette peur c’est l’évidence de cet enfant à qui j’ai donné la vie. Je vais essayer de faire en sorte de le livrer au plaisir d’exister dans cette farce qu’on appelle l’existence sur terre.


• Avez-vous des principes moraux, d’éducation ?

Ceux que m’ont inculqués mes parents. Le premier : ne jamais lever la main sur une fille, même avec une rose. Le deuxième : se marier autant de fois que l’on veut, mais une fois que tu fais un enfant, il faut assurer avec sa mère et essayer, le plus longtemps possible, de rester ensemble. Le cas échéant toujours bien se comporter avec elle, car cette femme, la mère de ton enfant, c’est du domaine du sacré. Pour le reste, c’est à Simon de jouer et de s’amuser.


• Pensez-vous que l’on en fait trop pour nos enfants en général ?

Le risque avec des enfants qui ont tout, c’est qu’ils n’ont pas le loisir de désirer… Parfois oui, on en fait trop alors qu’il faudrait pourtant leur laisser du temps pour s’ennuyer, pour qu’ils se créent des mondes imaginaires.


• Avez-vous reproduit les mêmes « bêtises » que vos parents ?

Cela m’a servi d’expérience…


• Quelle enfance avez-vous eue ?

J’ai été élevé en Normandie dans un milieu tranquille, et je n’ai jamais manqué de rien. Je jouais au foot, je faisais du tennis. C’est maman, institutrice, qui avait le mauvais rôle. Elle me faisait travailler, allait aux conseils de classe. Mon père était toujours entre deux avions, mais présent les week-ends. Quand je rentrais de mes premières booms à deux heures du matin je revois encore, dans l’obscurité, le bout rougeoyant de sa cigarette. Très inquiet, il m’attendait pour être sûr que j’étais en bon état, bien en vie. Avec ma sœur, nous avons cinq ans d’écart. C’est trop éloigné pour être complices de fêtes, de jeux, de secrets. Et en même temps pas assez pour me sentir le grand frère protecteur. Nous nous sommes retrouvés à l’adolescence et avons découvert ce lien fusionnel qui peut exister entre un frère et une soeur. Gaëlle, c’est un cœur d’élite. Toujours là dans les moments difficiles. Bien plus mâture, c’est elle que j’appelle pour lui demander des conseils.


• Vous révoltez-vous contre le phénomène de l’enfant roi ?

Les autres enfants ne m’intéressent pas, exceptés les potes de mon fils. Et avec Simon, je suis très mal placé. Parfois, comme je n’arrive pas à lui donner des conseils, à la place, je lui offre des cadeaux. S’il n’avait eu que moi… Heureusement, sa mère est là pour remettre les choses au clair. C’est un petit garçon d’une intelligence, d’une gentillesse et d’une capacité d’adaptation hors du commun, tout sauf enfant roi.


• Y a-t-il des choses que vous ne feriez plus ou, au contraire, que feriez-vous avec le recul ?

Je ne suis pas dans le regret ou le remord. Je fais ce que je peux. Pour lui, j’ai réalisé que je pouvais en faire beaucoup. En fait, je suis né deux fois. Il y a trente-neuf ans et il y a 7 ans, quand Simon est venu au monde. Mais je ne le laisserai plus me virer du lit le matin. Nouveau-né, avec ses petits coups de pieds, il me poussait vers l’extérieur. Là maintenant, je lui dirai : halte là ! Et puis, j’aimerais bien tout recommencer depuis sa naissance, en sachant qu’il faut profiter à fond de chaque instant. C’est tellement génial et le temps passe trop vite.


• Les enfants, en général, ont-ils évolués par rapport à maintenant ?

Oui et non. Je suis étonné de voir des posters de son club de foot préféré accrochés aux murs de sa chambre. En revanche, il est hyper bon à la console et je me fais « tauler » à chaque fois. Sur Internet il est plus au point que moi. A 7 ans, il a déjà commencé à écrire un livre intitulé « Un jour sur la plage » sur mon ordinateur.


• Qu’est-ce qui vous révolte aujourd’hui ?

L’injustice de la maladie. C’est notre lot à tous, mais j’ai du mal à m’y faire. Et quand ceux que j’aime disparaissent, j’ai l’impression qu’ils vivent en moi.


• Quel est le rôle des grands-parents ?

C’est vital, énorme. Dans l’intimité, on appelle Simon le cinquième élément. C’est lui qui réunit tout le monde. Mes parents sont très importants dans sa vie. Ils le gardent, s’en occupent, partent à la campagne ensemble. Mon père lui trouve des stages de foot, ma mère joue avec lui. Elle est juste géniale.

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