Ateliers philos: enseigner la philosophie aux enfants

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En 1998, un rapport de l’UNESCO répertorie près de 50 pays concernés par la pratique de la philosophie avec les enfants. En France, certains IUFM s’y sont associés. En 2001 se tient le premier colloque national sur la question à l’INRP et de nombreuses publications sur le sujet fleurissent. Le point avec Gilles Geneviève, professeur des écoles, «maître d’aide aux apprentissages» en ZEP et auteur de la « La raison puérile – Philosopher avec des enfants ? ».

Ateliers philo : une pratique marginale à l’école

CM : Quelle est la position de l’Education nationale sur les ateliers philo en 2007 ?
GG : Au départ, il y a eu des tentatives officielles pour soutenir cette innovation. Elles se sont soldées par une fin de non-recevoir et des articles un peu assassins dans certaines revues professionnelles, de la part de ceux qui se situent au sommet de la hiérarchie de la philosophie en France… Depuis, on n’a pas eu de nouvelles, même si la presse s’y intéresse. Bien sûr, ici et là, des gens à mi-parcours de la hiérarchie ne rejettent pas a priori la démarche. Mais comme vous le savez, l’Education nationale est un pétrolier qui met des mois à changer de bord quand on donne un coup de barre !

CM : A votre avis, combien d’enseignants pratiquent ?
GG : Il n’y a pas de statistiques, mais je dirais qu’il existe aujourd’hui en France plusieurs centaines d’ateliers philo pour enfants, tous niveaux scolaires confondus. Certains inspecteurs restent réticents. Pourtant, j’ai souvent entendu de la part des parents d’élèves « vous lui faites du bien ». On se retrouve dans l’optique de la philosophie antique, qui visait l’absence de troubles. A l’époque, on considérait que réfléchir, c’était pour se réconcilier avec soi et les autres, pour mieux vivre.

Quand la parole échappe à la censure adulte

CM : Les parents pourraient-ils pratiquer à la maison ?
GG : Si je le fais en classe, c’est justement parce que beaucoup de parents ne donnent pas la parole à leurs enfants à la maison ! Ou qu’ils leur apportent toujours des réponses toutes faites. Je pense que c’est ainsi qu’on tue le philosophe dans l’œuf, alors qu’il est important d’entretenir cette potentialité, particulièrement dans les quartiers défavorisés où j’enseigne. J’ai vu le monde qui sépare les enfants qui ont un espace de parole à la maison et les autres. Pour ouvrir cet espace de parole, il suffit de ne pas se présenter comme un adulte omnipotent, omniscient, une position tenue depuis 2500 ans…

CM : Vous prônez la non-intervention du prof dans les ateliers philo…
GG : Oui, et on me prend pour un hurluberlu ! Je ne suis pas le seul, mais on nous dit toujours qu’il faut une certaine « guidance » des élèves. Pour moi, on trouve là les mêmes travers que je citais plus haut : « hors la mainmise de l’adulte sur la pensée du jeune, point de salut ». Moi je crois que les tâtonnements, telles les méthodes expérimentales décrites par Georges Charpak dans La main à la patte, ça prend tout son sens ici.

CM : Quel avenir pour ces ateliers ?
GG : Je suis positif, mais je pense aussi que l’école est le reflet du monde dans laquelle elle s’insère. On vit dans un monde marchand, où l’on nous dit dès l’enfance vous devez grandir pour être heureux et avoir un travail. Il n’y a pas vraiment de liberté dans le choix de l’avenir pour un enfant. A partir du moment où l’on vit dans ce monde là, l’école qui en est le reflet, ne pourra pas, en 5 ans, prendre les caractéristiques libertaires que je souhaiterais qu’elle prenne… Cela dit, en agissant dans la société civile et à l’école, il y a la possibilité de voir les choses évoluer.Gilles Geneviève mène cette année des ateliers philo dans cinq classes de primaire en plus de son atelier hebdomadaire à l’Université Populaire de Caen (ouvert à partir de 7 ans).

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