L’école autrement !

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Echec des réformes, professeurs déprimés, parents et élèves en déroute, le moins que l’on puisse dire est que, question école, le moral est au plus bas. « L’Education nationale est devenue une grosse machine qui tourne à vide. […] Que vaut un système où plus personne ne s’écoute ? Que peut enseigner une école qui fonctionne si mal ? »

Tel est le ton de l’avant-propos de « Ecole de Tersac, Lycée de Saint-Nazaire, alternatives à l’Education nationale » qui propose, sous la houlette de Stéphanie Elie, professeur de lettres dans un collège rural, des entretiens croisés entre deux professionnels de l’éducation qu’apparemment tout oppose : Olivier Gautier, directeur de l’école de Tersac, fondée sur des valeurs traditionnelles à l’instar des écoles d’élite anglo-saxonnes, et Gabriel Cohn-Bendit, frère du fameux Daniel (c’est dit pour les curieux !) mais surtout fondateur du lycée autogéré de Saint-Nazaire qui a pour ambition de former des citoyens autonomes et donc leur laisse… beaucoup d’autonomie !

Changer l’école: et l’amour dans tout ça ?

Pourtant, malgré l’abîme qui sépare ces deux hommes dans leur pratique de l’école, nombreuses sont les convictions qui les rapprochent, outre le fait qu’ils sont tous deux des hommes de terrain, des vrais. A commencer par l’amour qui doit présider à tout enseignement. « Un enseignant est un être d’amour. Il faut aimer l’humain pour travailler tous les jours au contact des enfants et des adolescents » commente Olivier Gautier tandis que Gabriel Cohn-Bendit assure : « L’amour des enfants est important dans ce métier, il faut avoir envie d’être avec eux et de dialoguer.

Car la question n’est pas la transmission des savoirs mais le mode d’appropriation des savoirs. Il ne peut y avoir appropriation si les enfants n’ont pas le goût d’apprendre » L’Education nationale tient-elle compte de cette donnée, pourtant essentielle ? La machine qu’elle est devenue, avec ses 1 million 400 000 fonctionnaires et ses classes surchargées est-elle encore en mesure de prendre en compte de telles considérations ?

 Là se pose aussi la question de la sélection et de la formation des maîtres, si largement contestée. Pas la moindre formation psychologique par exemple, avant de projeter les petits nouveaux, le plus souvent, dans une classe de ZEP où la maîtrise de l’humain, aussi petit soit-il, est pourtant primordiale.

Ces deux professionnels ont en commun aussi la conviction que l’école est ou plutôt devrait être un lieu de vie à part entière, qu’elle doit avoir une âme et apprendre aussi à vivre, tout simplement. Un défi qu’ils ont choisi de relever en dehors du système, désabusés qu’ils sont de le voir changer un jour même s’ils ne sont pas forcément tendres avec leurs collègues enseignants, les jugeant fermés et attentistes. Olivier Gautier les veut « protéiformes », capables de passer d’une matière à l’autre, d’être beaucoup plus à l’écoute d’un monde en mouvement, d’aller dans le monde de l’entreprise, de « mesurer la distance entre ce qu’ils enseignent et les besoins du monde du travail ».

Capables aussi d’être à la fois des enseignants, des éducateurs, d’envisager un élève dans sa globalité. Pour Daniel Cohn-Bendit, même conviction sur l’aspect trop théorique d’un enseignement qui ne prépare pas les enfants au monde du travail. Ce constat commun posé, leur objectif, très similaire en somme puisque Olivier Gautier veut des élèves qui aient « l’esprit d’entreprise » là où Gabriel Cohn-Bendit veut former des « citoyens autonomes » est assez proche aussi. Pour y arriver pourtant, des fonctionnements très différents qui, s’ils sont parfois contestables, ont au moins le mérite d’ouvrir de solides pistes de réflexion.

 

L’école autrement: Tersac ou la meilleure façon de marcher…

… Ce pourrait être la devise de Tersac qui ne laisse rien au hasard pour que ses élèves réussissent… A 12 000 euros l’année pour une scolarité en pensionnat, il y a, me direz-vous, obligation de résultat. Ici donc, des règles strictes et un maître mot : entreprendre. Un esprit d’entreprise que l’on cultive largement, convaincus que réformer le système éducatif n’est pas possible à travers l’état.

L’établissement, qui n’en reçoit d’ailleurs aucune aide, fonctionne comme une entreprise, avec ses hauts et ses bas ; elle a d’ailleurs connu un dépôt de bilan en 94, deux ans après sa reprise par Olivier Gautier. Au programme, 12 à 15 élèves par classe, 40 semaines de cours au lieu de 32 mais avec des journées plus « light » qui laissent plus de place aux activités physiques selon l’adage « un corps sain dans un esprit sain » et des programmes moins chargés que l’on approfondit pourtant. Ici, pas d’élève à la traîne, le système maison du « répétita » consistant à faire reprendre par un autre enseignant une leçon mal comprise par un élève. L’organisation d’une journée est calée sur les rythmes biologiques naturels, les cours théoriques, de 50 minutes au lieu de 55, s’arrêtant à 15 heures pour ne reprendre qu’après le pic de moindre vigilance du cerveau constaté par les chercheurs.

 A Tersac, on croit au mérite, alors on récompense et on sanctionne selon des méthodes qui savent mettre en valeur non seulement les performances, qu’elles soient intellectuelles ou physiques, mais aussi les progrès ou encore la volonté d’être un élément positif dans le groupe. Petits cours de politesse ou grands débats ouverts sur la morale, le bien et le mal, entraînement intensif de la mémoire et grande curiosité pour l’actualité… Tersac, que les apparences placeraient sur le banc des conservatismes usés, n’a d’autre ambition que de se rapprocher du monde réel pour offrir à ses élèves de vrais débouchés.

 

Professeur, as-tu du cœur ?

Aux règles strictes de Tersac, la « méthode » Cohn-Bendit oppose le respect mutuel entre élèves et professeurs, avec la conviction que l’autorité ne doit pas reposer sur la crainte. En fondant le lycée de Saint-Nazaire, il voulait d’abord fonder une nouvelle école publique. Ici, un but clair : former des citoyens autonomes, c’est-à-dire auxquels on donne la parole. « La réussite incontestable des structures autogérées est d’avoir montré qu’en donnant du pouvoir, et non le pouvoir aux
élèves, on pouvait avancer » commente Gabriel Cohn-Bendit.

 L’école fonctionne en ateliers et en classes unique : au lieu de passer d’une matière à l’autre de façon hachée, on peut examiner une même question sous différents aspects, philosophique, littéraire, historique, sociologique ou scientifique… Et les plus « forts » aident les plus « faibles ».

 Les enseignants sont ici recrutés pour leur envie d’être des pédagogues et leur grande disponibilité car ils doivent aussi participer aux rencontres d’animation et aux tâches ordinaires de gestion. Toute forme de sanction est bannie – on croit plutôt que le respect des autres et de soi-même s’apprend par le dialogue – et les notes n’existent pas. « Les notes ne servent qu’à montrer aux bons qu’ils sont bons – ce qu’ils savent déjà en général – et aux mauvais à quel point ils sont mauvais – ce qui ne les aide pas à progresser ».

 Et Gabriel Cohn-Bendit d’ajouter : « L’école peut faire vivre les enfants ensemble en leur donnant petit à petit plus de responsabilités, en leur faisant connaître d’autres relations que celles de l’autorité et de l’obéissance et en faisant tout pour que le travail en classe intéresse les jeunes et que ceux-ci ne soient pas constamment humiliés par le système de la notation perpétuelle ».

Pour une école idéale enfin, il propose que « tous les enseignants soient titulaires du BAFA, aient travaillé en centres de loisirs, aient encadré des colonies de vacances, aient été surveillants… avant d’enseigner ». Voilà par les temps qui courent matière à réflexion… et à révolution !

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