L’évaluation nationale en CM2 a-t-elle un sens ?

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Certaines mesures prise dans l’éducation sont populaires auprès des parents, mais pour les praticiens (les profs), elles apparaissent comme étant beaucoup plus ambiguë. Le point de vue des enseignants sur l’évaluation nationale en CM2 mérite qu’on y réflechisse !Les syndicats de profs dénoncent le test auquel sont soumis les élèves de CM2. Ils le jugent absurde et inefficace.

Jusqu’au 22 janvier, les 790 000 élèves de CM2 que dénombre la France vont plancher sur des évaluations nationales. Suite aux protestations suscitées l’an passé lors de leur mise en application, ces tests ont subi quelques modifications. Malgré un climat apaisé, de nombreuses voix persistent à dénoncer l’utilité de l’examen.

Premier point de discorde. Les enfants passent le test en plein milieu de leur année scolaire, six mois avant la fin du primaire.

Et malgré les changements apportés aux évaluations cette année, trois syndicats, le SNUipp-FSU, le SE-UNSA, le SGEN-CFDT, ont envoyé, le 6 janvier, une lettre au ministre de l’Education Luc Chatel.

S’ils affirment soutenir la tenue d’une évaluation, ils réclament aussi comme de nombreux enseignants du primaire, une transformation de l’examen en profondeur.

Un test 6 mois avant la fin du primaire, est-ce efficace ?

Jean-Michel Blanquert, directeur général de l’enseignement scolaire, défend le choix du ministère :

« Nous n’avons pas trouvé meilleure date pour le moment : en janvier, les élèves ont eu le temps d’acquérir un grand nombre de connaissance. Et cela laisse le temps de réagir si l’on s’aperçoit qu’un élève est en difficulté. »

Pour un directeur d’école primaire située en ZEP, qui s’exprime anonymement (devoir de réserve oblige) l’argument n’a pas de poids :

« L’évaluation organisée jusqu’en 2005 à l’entrée en sixième, aujourd’hui supprimée, était plus judicieuse. Les professeurs pouvaient se servir des résultats pour ajuster leur programme dès le début de l’année scolaire. Il serait mieux d’organiser le test au début du CM1. »

D’après lui, le teste crée même un grand malaise parmi les enseignants de son école :

« Si l’on s’aperçoit au milieu de l’année que certains points n’ont pas été assimilés, cela signifie qu’il faudra les inclure au programme du second semestre, déjà bien chargé. A un moment, il faudra faire des choix… »

Le test désavantage certains élèves

Selon les trois syndicats et un grand nombre d’enseignants, les questions posées ne tiennent pas compte des différences de niveau existant entre les écoles. De quoi désavantager encore certains élèves.

Stéphanie Valmaggia, responsable du secteur premier degré au FSA-UNSA, témoigne :

« Les élèves sont interrogés sur les mêmes sujets, au même moment, partout en France. Il est cependant évident que les enseignements abordés depuis la rentrée n’auront pas été les mêmes dans une classe du centre-ville de Toulouse et dans une ZEP de Bobigny. »

L’évaluation a été améliorée depuis l’an dernier

Lors de la création de cette évaluation, les instituteurs avaient dénoncé bon nombre de défauts. Le gouvernement s’est efforcé de gommer certains d’entre eux.

Exit le système de notation binaire. Gilles Moindrot, secrétaire général du SNUipp se souvient :

« L’année dernière, l’enfant devait répondre juste à 9 questions sur 10 pour obtenir la mention “connaissance acquise” à l’exercice. Les autres échouaient directement. […] Il n’y avait aucune différence faite entre un élève qui avait eu 0/10 ou 8/10 à l’examen, alors que l’évaluation aurait pu mettre en évidence des niveaux très disparates. »

Des enfants interrogés sur des points pas encore abordés

« Le niveau a été réajusté », affirme, côté ministère, Jean-Michel Blanquert. L’an passé, l’évaluation avait été estimée trop difficile par rapport aux compétences moyennes des élèves de CM2.

« Les enfants devaient analyser un texte très complexe, accompagné de questions de compréhension que beaucoup n’ont pas compris », dénonce Stéphanie Valmaggia. « Certains professeurs en sixième ont affirmé que leurs élèves n’auraient même pas pu y répondre. »

L’exercice n’a pas été forcément bien vécu par les élèves. Une enseignante normande qui a fait passer l’examen l’an passé confirme :

« Comme l’évaluation les interrogeait sur des points qui n’avaient pas encore été abordés en classe, les élèves ont pris peur, persuadés de ne pas être à la hauteur »

Face à ces inquiétudes, le directeur général de l’enseignement scolaire est ferme : « Les questions ne portent que sur des thèmes devant être abordés avant janvier. »

Mais selon les enseignants que nous avons contactés, il est encore trop tôt pour juger de cet effort annoncé.

« Une évaluation en parfaite cohérence avec les réformes du gouvernement »
Jean-Michel Blanquert ne s’en cache pas :

« L’évaluation a été mise en place un semestre après la création de l’aide personnalisée, qui a fait son apparition au début de l’année scolaire 2009. Les évaluations peuvent détecter les élèves qui rencontrent des problèmes. Ceux-ci bénéficient par la suite d’un suivi individuel et des stages intensifs gratuits pendant le printemps et l’été. »

Pour le directeur d’école située en ZEP, cela sonne le glas de l’évaluation :

« L’aide personnalisée est un échec : elle est organisée la plupart du temps le soir, les enfants sont fatigués. Ces deux heures hebdomadaires ne sont absolument pas productives. Nous avons l’impression que ces tests ne servent qu’à vanter les réformes du gouvernement, sans pour autant avoir un quelquonque intérêt pour les enfants. »

Désaccord sur les résultats : sont-ils exploitables ?

En raison de l’opposition de certains enseignants en 2009, la question de la véracité des résultats publiés par le gouvernement se pose: de nombreux professeurs avaient refusé de faire passer les tests ou ne les ont pas transmis au gouvernement. « Comme les questions n’abordaient pas toujours des sujets vus en classe, nous avons décidé de ne pas utiliser les résultats », confirme l’enseignante normande.

Si le gouvernement avance que 70 % des évaluations ont été exploitables, le FSE-UNSA affirme pour sa part que seules 30 % d’entre elles ont été renvoyées au ministère. Si les évaluations semblent plus adaptées cette année, les instituteurs attendent la fin de la semaine pour se prononcer.

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