Homeschooling : Faire l’école à la maison, comment ça marche?

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Selon le département des évaluations et de la prospective de l’Éducation nationale, le nombre d’enfants qui ne sont pas inscrits dans un établissement scolaire public ou privé serait d’environ 50 000 dont : 3 000 scolarisés à domicile et 47 000 suivants des cours par correspondance. Il s‘agit de familles n’ayant jamais scolarisé leurs enfants ou les ayant retirés de l’école. Ils suivent des cours par correspondance (par le CNED ou des cours privés), ou bien des pédagogies particulières (Montessori, Freinet, Steiner…). D’autres « homeschoolers » se servent de divers supports piochés ça et là, manuels scolaires, cahiers de devoirs, logiciels d’apprentissages… On laisse au vécu quotidien le soin de faire acquérir à l’enfant par lui-même diverses connaissances.Un choix évident pour ces parents qui ne veulent pas soustraire leurs enfants aux dures règles de l’Education nationale et des instits « formés à la chaîne ». Ceux qui ont les compétences requises font cours à leurs enfants. Pour les autres, c’est le CNED, pour les cours par correspondance, ou le recours aux méthodes Montessori, Freinet, ou encore Steiner. Travailler à son rythme, apprendre ce qu’on a envie d’apprendre, travailler en fonction des intérêts des enfants, leur apprendre l’autonomie. Les enfants pratiquent souvent plusieurs activités sportives, de manière à ne pas se désocialiser. Au regard de la loi, n’oublions pas que ce n’est pas l’école qui est obligatoire, mais l’instruction.

Que dit la loi, justement ?

La loi Jules Ferry (aujourd’hui, article L131-2 du Code de l’éducation), garantit la liberté d’instruction en donnant le choix aux parents du mode d’instruction de leurs enfants. Deux situations légales sont distinguées : la scolarisation à distance (via le Cned en section d’accès réglementé, ou des cours par correspondances privés reconnus par l’État) et l’« instruction en famille » (IEF) qui regroupe les autres cas.

Faire l’école à la maison: il faut se déclarer

Les familles en situation d’instruction en famille, dont les enfants en âge d’instruction obligatoire ne sont pas inscrits dans un établissement d’enseignement à distance, doivent effectuer une déclaration annuelle d’instruction en famille auprès de leur mairie et de leur inspection académique dans les 8 jours suivant la rentrée scolaire, mais aussi dans les 8 jours après un changement de résidence. Un manquement à cette obligation peut entraîner une amende de 5e classe (1 500 €). Dans le cas où les enfants sont inscrits auprès d’un centre de cours par correspondance reconnu (scolarisation à distance), c’est l’organisme qui est tenu d’effectuer les démarches auprès de la mairie et de l’inspection d’académie.

Un contrôle annuel

Les familles dont les enfants sont soumis à l’obligation d’instruction, et instruits en famille ou bien inscrits à un établissement d’enseignement par correspondance, font l’objet d’une enquête diligentée par les services sociaux de la mairie dont l’objectif est de s’enquérir des motifs de leur mode d’instruction, et de vérifier qu’il est donné aux enfants un enseignement compatible avec leur état de santé et les conditions de vie de la famille. Les résultats de l’enquête sont transmis à l’inspection académique, et lorsqu’elle n’a pas été effectuée par la mairie, l’enquête peut alors être diligentée par le préfet.

 

Ces familles font l’objet d’un contrôle pédagogique annuel, destiné à « faire vérifier que l’enseignement assuré est conforme au droit de l’enfant à l’instruction. », c’est-à-dire de nature à garantir « l’acquisition des instruments fondamentaux du savoir, des connaissances de base, des éléments de la culture générale et, selon les choix, de la formation professionnelle et technique et, d’autre part, l’éducation lui permettant [à l’enfant] de développer sa personnalité, d’élever son niveau de formation initiale et continue, de s’insérer dans la vie sociale et professionnelle et d’exercer sa citoyenneté. » Ce contrôle, plus intense que celui auquel sont soumis les enseignants (une inspection tous les 3 ou 4 ans) est parfois ressenti comme une inquisition par les familles.

 

À l’issue de la fin de la période d’instruction obligatoire (16 ans), l’instruction donnée à ces enfants doit ainsi les avoir amenés à maîtriser l’ensemble des compétences inscrites dans le socle commun des connaissances. Cependant, et en vertu de la liberté pédagogique, le niveau des enfants n’a pas à être contrôlé.

L’école à la maison – témoignages

Si certains ont décidé de suivre le programme scolaire classique, pour d’autres les apprentissages se font à partir des situations de la vie réelle. Beaucoup adoptent une formule mixte, un peu de travail (français, maths, anglais), souvent le matin et sport l’après-midi. L’enseignement est délivré en fonction des volontés de l’enfant.

La question de la socialisation

La principale critique faite aux familles déscolarisantes concerne la question de la socialisation en France. Aux Etats-Unis, plus de 2 millions d’enfants ne sont pas scolarisés. Les grandes universités ont même un cursus spécial pour les homeschoolers. La plupart des américains a une famille unschooling comme voisin. Du côté des parents, c’est un choix difficile et contraignant. Cela implique d’être complètement disponible, de disposer d’un certain nombre de ressources (livres, jeux éducatifs, ordinateur,…), d’organiser des sorties fréquentes dans des lieux culturels, ainsi que des connaissances en matière de pédagogie et d’éducation.

Une alternative à l’échec scolaire ?

Enseigner à ses enfants à domicile permet avant tout aux parents de passer tout leur temps avec leurs enfants. Ils ont un contrôle total sur ce qu’ils apprennent et les protègent de toutes situations sociales négatives et autres mauvaises influences extérieures. C’est un apprentissage adapté au rythme et aux difficultés de l’enfant. Dans Insoumission à l’école obligatoire, l’auteur Catherine Baker fait la critique du système éducatif obligatoire et justifie les parents qui ont choisi le unschooling (la non-scolarisation, la non-éducation à domicile: « […] dès que le déclin de l’Église s’est manifesté, il a fallu que l’État trouve de toute urgence le moyen de se faire admettre dans les esprits et ce de façon aussi totalitaire que l’Église y était parvenue ».

L’organisation du quotidien

Les parents qui ont fait ce choix de vie se confrontent à un quotidien bien différent des autres, mais chacun sa méthode. « Nous n’avons pas d’organisation particulière, j’ai fait le choix d’arrêter de travailler à l’extérieur et de créer mon emploi depuis chez moi. Les journées se répartissent entre les jeux, les activités à la maison ou à l’extérieur, mon travail, les films et documentaires et les réponses aux questions des enfants sous forme de recherches ensemble » explique une maman de deux enfants de 7 et 11 ans.

Quelle méthode de travail ?

Sophie, maman d’une fille de 10 ans préconise « une méthode naturelle. Nous nous orientons vers ce qui attire notre intérêt ou les choses qui se présentent. La lecture vient naturellement par le besoin de trouver les informations dans les livres et les ordinateurs, les maths dans les nécessités de calculer le prix des choses, suivre une recette, calculer des distances pour une construction etc. »

L’importance des activités à l’extérieur

« De la danse, une chorale, des arts plastiques, des jeux de rôles, des visites et ateliers dans tous les musées de paris, des sorties natures dans les bois avec des entomologistes, archéologues, des promenades avec des historiens, des cours de cuisine. Du japonais, de l’anglais, des sorties à la Villette, au palais de la découverte, au Louvre, a l’orangerie, à Samara… » Sophie.

Pourquoi ce choix ?

Maryline, deux enfants. « Pour pleins de raisons ! Pour respecter leurs rythmes biologiques (ne pas les réveiller entre autre), pour permettre un apprentissage complètement individualisé, pour pouvoir leur offrir un apprentissage très ouvert sur l’extérieur et le concret (d’où les sorties), pour pouvoir les laisser apprendre par plaisir et curiosité. Pour éviter le système de notation que nous désapprouvons, nous voulons que nos enfants progressent dans leurs apprentissages parce qu’ils sont curieux et passionnés et non pas pour avoir de bonnes notes, pour éviter également les violences scolaires (que ce soit les punitions, les humiliations, les violences entre élèves ou le simple fait d’être obligé dès 5-6 ans de rester assis sans bouger pendant des heures), pour pouvoir vivre ensemble également, pour pouvoir voyager le plus souvent possible, pour pouvoir les laisser libre le plus souvent possible, libre de choisir leur activité, laisser libre cours à leurs idées. »

Pourquoi, pas l’Education nationale ?

Maryline : « Une fois franchit l’âge de 6 ans, les enfants sont rivés sur une chaise 6h par jour et doivent écouter sans broncher des cours qui pour la plupart et le plus souvent ne les intéresse pas. On ne leur demande pas leur avis. Et ensuite ils sont notés dessus, compris ou pas compris, on passe à la suite. Il est impossible d’individualiser l’enseignement quand un seul prof gère 30 élèves ! Du coup ça tue la curiosité des enfants… Ça tue leur plaisir d’apprendre… »

 

« Je dirai non respect des rythmes individuels, non prise en compte des particularités, mode de pensée rigide au service de l’Etat, ceci dit j’ai bien conscience que des perles rares existent, j’en ai eu moi même, deux professeurs sur tout mon cursus (bac+5) qui m’ont réellement donné envie d’apprendre avec un immense plaisir »

Le contrôle de l’Etat

Maryline : « L’incompréhension est immense entre les familles non-scolarisées et les inspecteurs. Mais comme l’administration se sent si puissante, on a le sentiment d’être le pot de terre contre le pot de fer. On vit avec la menace du signalement au procureur, ce qui nous donne le sentiment d’une chasse aux sorcières… Heureusement certains inspecteurs sont ouverts et acceptent de dialoguer et de s’adapter, mais en proportion ils représentent un faible pourcentage. »

 

Sophie : « Le contrôle crée un énorme stress et est humiliant. Toujours le même système ou des gens se sentent supérieurs à d’autres et veulent leur inculquer un savoir. Chose stupide car le savoir ne s’acquiert pas mais c’est chacun qui crée son savoir, sa construction neuronale. Donc a partir du moment où on part d’un rapport de dominant à dominé, il n’y a plus d’échange possible. »

 

90% des familles ne seraient pas satisfaites de la manière dont les contrôles se déroulent.

 

A l’approche des élections présidentielles des voix s’élèvent contre l’instruction à domicile. Pour en finir avec le décrochage scolaire, des députés socialistes ont déposé cette année plusieurs propositions de loi dans le but de rendre l’école obligatoire, et non plus uniquement l’instruction.

Associations

Pour plus d’informations, trois grandes associations regroupent les familles non scolarisantes :

-LEDA (Les enfants d’abord) : www.lesenfantsdabord.org

-Le CISE (Choisir d’instruire son enfant) : www.cise.fr

-LAIA (Libres d’apprendre et d’instruire autrement) : http://laia.asso.free.fr/

A lire sur le sujet :

Les apprentissages autonomes – Comment les enfants s’instruisent sans enseignement, John Holt, aux éditions L’instant présent :

John Holt a été, dans les années 1970 et 1980, le précurseur de l’école à la maison aux Etats-Unis, qui concerne désormais 5 % des enfants américains. Mais John Holt est surtout précurseur de la légitimité et l’efficacité des apprentissages autonomes, ceux qui sont à l’initiative des enfants, en interaction avec leur entourage.

L’enseignement individuel – Une alternative à l’échec scolaire, de Philippe Marhic, aux éditions L’Harmattan :

Ce professeur dans le secondaire propose des analyses, des conseils et pistes de travail pour prodiguer des cours particuliers, à travers des méthodes de travail, des fiches techniques et des exercices.

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