Absentéisme scolaire: quand les ados font la grève…

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Que celui qui n’a jamais séché lui jette le premier carnet de correspondance. Avant de s’absenter lui-même, le ministre de l’Education Xavier Darcos a fait de la lutte contre l’absentéisme une cause nationale.

« L’absentéisme scolaire est un fléau, et les solutions actuelles pour y remédier ne fonctionnent pas ». En janvier, Xavier Darcos, encore ministre de l’Education nationale, faisait de la lutte contre l’absentéisme un enjeu prioritaire.

 

Afin de remédier au problème, 5000 ” médiateurs de réussite” ont été envoyés au mois de mars dans 215 quartiers jugés sensibles. Ces médiateurs, des personnes proches des quartiers, doivent, d’après le ministère, prolonger l’action des CPE « en créant un lien fort avec les familles dans et hors de l’établissement, sur le mode de l’alerte et du contact direct vers les parents ».

 

Contestés par les syndicats, qui ne comprennent pas leur fonction réelle, les médiateurs ne seront reconduits que si les objectifs fixés sont atteints : une baisse de l’absentéisme d’au moins 50 % sur trois ans.

Quand l’absentéisme scolaire bat des records

L’absentéisme scolaire est défini par une série d’absences répétées et volontaires d’un élève. En France, on commence à parler d’absentéisme à partir de quatre demi-journées manquées non justifiées par mois.

 

Le phénomène d’absentéisme a atteint son paroxysme ces dernières années. Il touche aujourd’hui 2,4 % des collégiens, 4,6 % des lycéens et monte jusqu’à 10,9 % dans les lycées professionnels. En 2006, un rapport de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) décrivait plus précisément les jeunes enclins à s’absenter : des garçons en majorité, redoublants ou confrontés à des problèmes familiaux.

 

Tendance nouvelle : l’absentéisme est de plus en plus présent au collège, alors qu’il était jusque là réservé au lycée.

 

Cette augmentation massive ne traduit pas forcément la désertion ou le désamour des élèves pour le système scolaire. L’école étant devenue obligatoire jusqu’à 16 ans, le taux d’enfants scolarisés a augmenté, il est donc normal que le nombre de sécheurs augmentent aussi.

 

Pas un seul type d’absentéisme

Le visage de l’absentéisme a changé. L’image du feignant séchant les cours afin de trainer dans les rues a petit à petit laissé sa place à celle de l’enfant mal dans sa peau, voire en souffrance à l’école. Pour comprendre l’absentéisme, mieux vaut considérer non pas un mais différents types d’absentéisme.


Le cancre existe toujours ! L’école l’ennuie, il ne veut pas y aller : point. Paradoxalement, ce cas n’est pas si grave, très simple à expliquer (il veut se la couler douce) et à régler (oh mais si tu vas y aller !). L’absentéisme frondeur est une façon pour l’ado de défier l’autorité en s’opposant aux cadres qu’on lui a établis (une de ses spécialités). Pas de mal être pour autant, simplement le besoin d’un petit rappel à l’ordre.


La plupart des cas d’absentéisme observés sont passagers, une journée par ci, une heure par là. La vie de l’ado est remise en question chaque jour : modification du corps, difficulté à aborder ses relations avec autrui… Un élève peut éviter un cours de peur d’avoir à affronter un professeur, à cause d’une déception amoureuse, ou même suite à l’apparition d’un bouton ! Cet absentéisme, le plus courant, ne mérite ni sanctions ni inquiétudes particulières.

 

Les risques de l’absentéisme scolaire chronique

Un absentéisme prolongé peut mener au décrochage scolaire. On le retrouve le plus souvent dans le cas d’élèves présentant déjà des difficultés : la majorité sont confrontés à un environnement social ou familial difficile (divorce, décès). L’élève se sent en dehors de la vie scolaire et tend à se dévaloriser lui-même : il ne se sent pas à la hauteur de l’école et préfère se mettre à part. Son refus d’aller en cours reflète plus une peur d’échouer qu’une sincère détestation de l’école.


La phobie scolaire est différente d’un simple caprice
, le jeune présentant de véritables signes d’angoisse. Comprendre ce que veut l’ado est d’autant plus difficile qu’il ne le sait souvent pas lui-même. Il est parfois difficile de différencier le caprice de la pathologie. La phobie est souvent accompagnée de signes physiques, comme des maux de tête ou des vomissements. Dans un tel cas, l’intervention d’un psychologue est hautement conseillée.

La solution qui consiste à suivre les cours par correspondance est mauvaise, elle ne fait que reporter le problème et isole encore plus l’enfant.

Collèges et lycées renforcent la surveillance

Les enfants qui sèchent ont une peur : se faire prendre ! Pour alerter les parents le plus vite possible, les traditionnelles lettres (faciles à intercepter) ont été remplacées par des SMS, idéalement envoyés dans la journée.

Une recherche d’efficacité poussée à l’extrême, à titre d’exemple, au lycée Albert Camus de Nîmes : chaque élève se voit attribuer un code barre en début d’année. Lorsqu’il répond présent, le professeur scanne son code. Les élèves manquants sont immédiatement signalés, et un SMS est immédiatement envoyé à ses parents…

Mais au final, ce sont les parents qui sont responsables de l’assiduité de leurs enfants. Les institutions scolaires déplorent encore aujourd’hui les parents « complices » d’absences, en cas de week-end prolongé ou de départ en vacance anticipé… L’obligation d’aller à l’école est une première règle qui permet à l’enfant de se responsabiliser, et de grandir en comprenant qu’on ne fait pas toujours ce qu’on veut.

Dans le cas où les parents n’assurent pas leur mission, l’Etat intervient. A partir de 10 demi-journées non justifiées, l’inspecteur d’académie rencontre élève et parents et engage avec eux un contrat moral d’assiduité. Si les absences continuent, une amende de 750 euros ou la suppression des allocations familiales peuvent être envisagées. Dans les cas extrêmes, la justice peut intervenir : en 2005, la mère d’un élève de 12 ans ratant trop régulièrement le collège a été condamnée à 4 mois de prisons avec sursis…

L’absentéisme : une façon de repenser l’école

Face à l’échec des méthodes classiques, de nouvelles hypothèses sont prises en compte : si l’enfant sèche l’école, c’est qu’il ne s’y sent pas bien, et c’est le rôle de l’école de lui donner envie d’apprendre.

 

Le rôle du C.P.E (conseiller principal d’éducation) prend alors toute son importance : comment reprocher à un élève n’aimant pas ce qu’il fait de ne pas vouloir venir ? Jugé « complexe » et « opaque » par Xavier Darcos, le système d’orientation devait être revu dès cette rentrée, avec la mise en place d’un numéro de téléphone accessible tous les jours jusqu’à 20 h et d’un service de réponses par Internet géré par l’Onisep. A l’heure actuelle, rien de tout ça n’a encore été mis en place.


Une autre solution, préconisée par certains proviseurs, est de mettre en place un système d’UV, sur le modèle de l’université. Il s’appuie sur les résultats obtenus par des élèves de terminal choisissant eux même leurs cours, sans pour autant s’écrouler au moment du bac. L’absentéisme montrerait non pas une preuve de fainéantise, mais une première étape d’indépendance : les ados seraient capables de décider eux même de ce qui est bien pour eux…

Les élèves ayant changés, faut-il revoir tout le système ? L’absentéisme en milieu scolaire est devenu un enjeu majeur : après celui des élèves, s’attaquera-t-on à celui qui touche le corps professoral ?

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