Coaching parental, un marché de dupes ?

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Venu des Etats-Unis, le coaching s’est d’abord développé sur son terrain d’origine, le sport, avant de conquérir l’entreprise puis la sphère familiale. Parmi les nouveaux métiers qui entourent celui de parents, des coachs qui promettent tour à tour des enfants autonomes, des résultats scolaires satisfaisants et, par conséquent, une vie de famille épanouie. Recette du bonheur ou poudre aux yeux rentable ? Suivez le guide !

D’où vient le coaching parental ?

C’est aux Etats-Unis dans les années 80 qu’est apparu le coaching, terme qui signifie entraînement, dans le milieu du sport de compétition. Il s’agissait de former des athlètes non plus seulement physiquement mais aussi mentalement.
Un conditionnement qui permettait d’aller toujours plus loin, plus haut, plus vite.
Ce phénomène s’est étendu aux grandes entreprises, visant à développer leurs performances dans un monde où tout change si vite qu’il faut une machine humaine réactive et modulable pour s’adapter aux bouleversements des restructurations et autres changements de cap.
Petit à petit, les coachs ont commencé à travailler sur l’individuel, d’abord en entreprise et aujourd’hui dans le cercle privé. C’est ce que l’on appelle le « Life coaching ».

Que peut coacher un coach parental?

Tout. Un divorce difficile, un syndrome d’acheteuse compulsive, des kilos en trop, un look de loser, des enfants désobéissants, un ado ingérable… et la liste est infinie. Votre coach, ni professeur, ni psy, ni thérapeute mais « accompagnateur » vers des objectifs précis, vous donne « des outils » pour que vous atteigniez des buts précis. Quels sont ces outils ? Des formules magiques, des recettes toutes faites, des méthodes miracles pour que la force soit avec vous ? Là-dessus, les coachs interrogés pour ce reportage restent curieusement mystérieux…
Mais quelle est la différence entre un coach et un psy? Tous les coachs s’entendent pour dire que, contrairement au psy, le coach ne répond pas à une souffrance psychologique mais qu’il intervient en amont, avant que les problèmes rencontrés ne créent la souffrance… Mais dans ce cas, a-t-on vraiment besoin d’un coach puisque tout ne va pas si mal ? Oui répond la société Dojo, centre de développement personnel parisien qui a pignon sur rue car « le coach est quelqu’un qui voit des opportunités là où d’autres verraient des obstacles »… Attention à la marche tout de même!
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Un coach parental, pour quoi faire ?

Ces nouveaux pros de la gagne, qu’il faudra payer cher (entre 50 et 180 euros de l’heure pour une séance individuelle selon les organismes) – nous aident à élaborer ce qu’ils appellent un « projet de vie », quel qu’il soit. Et si notre projet est la « réussite » de notre famille et donc celle de nos enfants, ils répondent présent.
Mais qui sont-ils exactement ces coachs qui nous soutiennent dans notre rôle de parents et dans quels domaines interviennent-ils ? Ils sont en général psychologues et/ou éducateurs formés en pédagogie, sciences de l’éducation ou encore techniques de communication… Ou bien rien de tout cela!

Attention aux arnaques !

La « profession » de coach n’est soumise à aucune réglementation. A la rescousse des proies naïves des éventuels charlatans, tout juste trouve-t-on dans le rapport 2004 de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires un alinéa qui précise « On trouve là, bien sûr, la volonté d’accéder en outre à un marché qui peut s’avérer lucratif, celui du mieux-être, de la lutte contre le stress, du développement personnel ou de l’amélioration des performances ».
Certains coachs autoproclamés sévissent avec comme seuls outils de travail leur charisme naturel… Et l’espoir, voire le désespoir de ceux qui les suivent.
Les coachs parentaux se proposent tour à tour de nous aider à seconder nos enfants dans leurs apprentissages pour améliorer leurs résultats scolaires (une sorte de super soutien scolaire en somme appelé aussi coaching scolaire), de nous livrer les secrets d’une bonne entente parents-enfants pour enfin « savourer notre vie familiale » comme le précise le site happyparents.com ou encore d’ «entretenir notre niveau de satisfaction en tant que parent tout en préservant notre vie amoureuse ». Ils se déclarent également compétents en matière d’amour filial puisqu’ils peuvent faire de notre progéniture ingrate « des enfants aimants ». Rien que ça !

Coaching parental: formatage des enfants ou épanouissement ?

A en croire les coachs, si nous étions tous tour à tour coachés et coacheurs (pour l’occasion, inventons un nouveau terme, participons à ce grand élan de bonheur communicatif), la compréhension entre les êtres serait totale et nos enfants vivraient parfaitement heureux, en harmonie avec leur entourage, le système scolaire, le système tout court.
A l’instar de Pierre Le Coz, philosophe et de Roland Gori, psychanalyste, auteurs de l’Empire des coachs, une nouvelle forme de contrôle social (Albin Michel, 2006), posons-nous la question :
que voulons-nous exactement ? Coller à un système que nous critiquons par ailleurs ou tenter de le faire évoluer ? Et si les choses doivent changer, qui mieux que nos enfants peuvent exprimer la créativité, l’esprit innovant et parfois la rébellion dont il faut faire preuve pour avancer ? Préférons-nous pour nos enfants le formatage que semblent nous proposer les coaches ou la réalisation de soi ? Un enfant est-il plus heureux parce qu’il a 5 points de plus en moyenne en maths ? Peut-être. Parce qu’il exprime poliment ce qu’il ne pense pas pour entrer dans le moule ? Sans doute pas.
A cette menace d’un monde formaté où tous les enfants seraient élevés selon le même modèle, à la Super Nanny en quelque sorte, les coachs parentaux rétorquent que justement, ils sont là pour que chacun et chaque famille s’épanouisse selon ce qu’il ou elle est. Quoi qu’il en soit, sachez qu’il n’existe généralement pas de contrat écrit entre les deux parties, contrairement à ce qui se pratique pour un coaching en entreprise.
Quand il s’agit d’aider notre petit à apprendre à lire l’heure – si, si, il y a des coachs pour cela – ou à connaître sur le bout des doigts ses tables de multiplication, après tout, le risque est minime. Quand on a l’ambition d’en faire un enfant « socialement correct », ce qui soit dit en passant est le boulot de base du parent qui éduque, peut-être vaut-il mieux prendre quelques précautions avant de se laisser séduire par le premier coach venu !
Pour en savoir plus :
Société Française de Coaching : www.sfcoach.org (cet organisme qui fait référence dans le monde du coaching travaille avec les pouvoirs publics sur la déontologie de la profession)
CPS123 (Conseil en pédagogie et scolarité) : www.cps123.com

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