BD : faut vous faire un dessin ?

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L’association, la collection shampoing chez Delcourt, on ne compte plus les entreprises avant-gardistes dans l’univers de la BD. Une BD « adulte » où l’autofiction le dispute au documentaire, avec une originalité de ton et des audaces graphiques qui ouvrent de larges perspectives face aux mangas. Alors que l’unanimité critique autour du « Persépolis » de Marjane Satrapi le dispute à l’écrasante machine promotionnelle d’ « Astérix aux jeux olympiques », la BD est partout, quand l’univers romanesque semble anémié par les boursoufflures d’ego de ses acteurs.

Le guide du Moutard

Je ne lis plus Charlie Hebdo depuis que l’Inquisiteur Philippe Val a repris la barre du navire pirate que commandait le professeur Choron. L’étendard layette de la bien pensance et des bons sentiments a pris la place du drapeau noir à tête de mort ; les pirates sont devenus des sacristains. C’est donc sans aucun parti pris favorable que j’ai plongé dans ce guide du Moutard, ou comment survivre à neuf mois de grossesse, mis au monde par Jul, dessinateur depuis 2000 de l’hebdomadaire susnommé. Un voyage au pays des pères pendant cette longue traversée en solitaire (si,si) qu’est la grossesse de nos compagnes. Doutes, fantasmes, humeur et humour habitent les pages de cet album où l’ironie mordante du mémorialiste n’est jamais loin.
Heureusement qu’il y des dessinateurs, à Charlie Hebdo. C’est quand même ce qui reste de meilleur des années Choron.

« Le guide du moutard », de jul, collection Vent des Savanes, chez Albin Michel.

Fraise et chocolat 2

Aurélia Aurita est née en 1980 en région parisienne. Parallèlement à des études de pharmacie, elle débute une carrière de dessinatrice de BD, publiant ses premières histoires courtes dans Fluide Glacial. Paru en 2001, Angora, livre sensuel et troublant, est immédiatement remarqué par la critique. Invitée à participer au collectif Japon, paru fin 2005 simultanément en français chez Casterman, en japonais chez Asukashinsha et en cinq autres langues, elle se rend une première fois dans l’Archipel en octobre 2004. C’est le coup de foudre. Aujourd’hui docteur en pharmacie, Aurélia Aurita n’a plus quitté Tokyo depuis. C’est là qu’elle réalise, en 2005 et dans la plus grande discrétion, les surprenantes pages de Fraise et Chocolat.

Paru en français en mars 2006 puis en deux autres langues, l’ouvrage reçoit un accueil critique et public exceptionnel… Fin 2007 est paru le volume 2 de cette chronique amoureuse et savoureuse. « Chocolat » (Chenda) aime toujours « Fraise » (Frédéric) et en est aimée en retour. Mais ces amants que vingt ans séparent connaissent le doute, les angoisses mais aussi les fantaisies amoureuses qui font le sel de l’intimité. Une liberté de ton, crue sans outrance, qui est la signature d’Aurélia Aurita. On en redemande.

« Fraise et Chocolat 2 », d’Aurélia Aurita, aux éditions Les impressions nouvelles.

Retomber en enfance…

« Ma maman est en Amérique, elle a rencontré Buffalo Bill » Voici la BD que vous adorerez chiper à votre aîné(e). Une histoire à raz de bout de chou, racontée à la première personne avec toute l’innocence, l’espièglerie et parfois la gravité de son narrateur, un enfant de six ans. Jean vient d’entrer au CP, il a un petit frère, un papa qui travaille beaucoup, une voisine plus vieille que lui qui accepte parfois de jouer avec lui, une nounou qui s’appelle Yvette et une maman qui n’est jamais là. Il porte cette absence comme un grand mystère qu’il n’ose élucider.

 Il faut dire qu’il a beaucoup de soucis de son âge. Comme celui de ne pas avoir vu le film de la veille au soir quand vient la récréation et que tout le monde en parle. « J’adore la télé. Mais, à la maison, mon papa ne veut pas qu’on la regarde. Il dit que ce n’est pas bon pour l’école. En tout cas, ne pas regarder la télé, ce n’est pas bon pour la récré. » Parfois, les gens le regardent avec un grand chagrin dans les yeux. Ils ébouriffent ses cheveux et pensent à voix haute : « pauvre petit bonhomme ! » Lui ce qu’il aimerait, c’est savoir pourquoi il ne la voit jamais, sa maman. Jean Regnaud et Emile Bravo signent un récit sensible, sans sensiblerie, sur l’absence d’une mère et le poids du secret dans le deuil. Un récit dont attendre la suite est déjà un supplice.

« Ma maman… », De Jean Regnaud et Emile Bravo aux éditions Gallimard.

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