Christine Bravo: mère sans permis

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Fidèle à son image, Christine ne pratique pas la langue de bois. Et quand elle s’exprime, la spontanéité, la franchise, l’honnêteté et la « provoc » aussi sont tout naturellement de mise.

Une interview réalisée par Anne Wieme

Que pensez-vous de la famille en général ?


Je n’ai pas l’esprit de famille du tout. On ne choisit pas ses parents, ses frères et sœurs et je déteste la notion d’obligation qu’elle représente. Comme les repas pris tous ensemble. Excepté Noël. C’est chaleureux, c’est une tradition qui rappelle l’enfance…

Mais ne me parlez pas de vacances en famille, c’est impossible pour moi.

On n’est pas compatibles. Je suis trop atypique pour eux, trop fantasque, pour respecter leurs règles. Et les « ça ne se fait pas », « on ne dit pas ça », ne me concernent plus. Au contraire, tout est permis. Dans mon roman, par exemple, où je parle de sexe, pendant des années, mon inhibition envers ma famille m’a empêchée de le faire, il ne fallait pas que je les choque. Et aujourd’hui, à mon âge, je fais ce que je veux.

En revanche, mes deux enfants sont toute ma vie. Je suis carrément une mère dévouée pour eux. Et tout l’argent que je gagne, c’est uniquement pour leur faire plaisir, leur offrir des voyages, cuisiner tous les jours pour ma fille, qui n’aime que les légumes et cela demande beaucoup d’imagination. Mais là encore, aux yeux de ma famille, je suis à côté de la plaque.

Pour mon fils qui ne roule pas sur l’or, je devrais plutôt l’aider à acheter des objets du quotidien, utiles.

J’ai toujours eu le sentiment d’être jugée, critiquée, considérée comme le vilain petit canard. Alors, bien sûr, cela limite la communication, mais n’empêche pas l’amour.

Quelle enfance avez-vous eue ?


J’ai été élevée dans une famille traditionnelle. Ma sœur et moi avons été gâtées. Nous partions en Suisse pour les sports d’hiver, nous avions les plus beaux habits, les plus belles vacances… Mais à dix-huit ans, j’ai claqué la porte.

Comment avez-vous élevé vos deux enfants ?


Avec le premier, nous nous sommes élevés ensemble. J’avais dix-neuf ans quand il est né. Nous menions une vie de bohème, sans argent mais remplie d’amour. Je me souviens qu’il me suivait à la fac dans son couffin. Et à l’époque, je culpabilisais car je ne pouvais pas réchauffer ses biberons. Je suis tombée de haut quand, à la naissance de ma fille, quinze ans plus tard, on les donnait à température ambiante. Un moment de ma vie où j’aurais pu acheter cinquante chauffe-biberons !

Mais avec, ou sans argent, la vie avec mes enfants a toujours été une fête. À Noël, pour l’aîné, j’avais dessiné un immense sapin sur le mur, pour la dernière, c’était carrément les féeries du boulevard Haussmann à la maison.

Etes-vous à cheval sur certains principes?


La politesse, le respect de l’autre, la tolérance face à la différence, ce sont mes seuls principes. Je leur ai toujours appris à ne jamais blesser quelqu’un.

 

Pensez-vous que l’on en fait trop pour ses enfants ?


Ils n’ont pas demandé à venir au monde. On n’en fait jamais trop pour eux. On le leur doit.

Et les enfants rois ?


C’est de la faute des parents. Tant pis pour eux. Les miens n’ont jamais adopté ce profil.

Il est important de savoir cloisonner les territoires, il faut parfois être autoritaire. C’est sécurisant pour eux. Et quand il y a danger, la répression s’impose. On ne peut pas tout permettre aux enfants, les laisser sortir à leur guise, banaliser l’usage de la drogue. La règle première est : tant que tu seras sous mon toit, tu respecteras mes règles.

Avez-vous reproduit les mêmes « bêtises » de vos parents ?


J’en ai fait d’autres en étant un peu trop anti-conformiste, trop libertaire. Mais je n’ai jamais fliqué mes enfants, tout en étant extrêmement soucieuse de leur sécurité, attentive, et à leur écoute. Ils sont libres et n’en abusent pas. D’ailleurs, ils n’ont pris aucun de mes mauvais côtés, c’est un grand mystère !

Les aime t-on de la même façon ?


On les aime autant, mais différemment et l’on ne les élève pas forcément pareil. A priori, on n’est toujours plus inquiet pour le premier, moi, ça a été l’inverse. Je n’avais pas le même âge non plus et ils ont chacun leur propre personnalité. Bien sûr, je suis plus proche de ma fille. Nous avons les mêmes plaisirs, les mêmes préoccupations. Elle craque sur le maquillage, on se pique nos fringues. Proximité féminine oblige ! Et je ne peux pas partager la jubilation de mon fils pour le foot !

Que souhaitez-vous transmettre à vos enfants ?


Ils ont tous les deux les yeux bleus. C’est déjà pas mal avec des pères aux yeux marron ! Plus sérieusement, j’aimerais leur avoir transmis du courage, de la curiosité, pour travailler, être ouverts à tout et aussi et surtout une certaine joie de vivre.

Avec le recul que feriez-vous, ou au contraire ?


L’erreur est maternelle. Comme toutes ces mamans, je suis pleine de culpabilité, quand je m’énerve parce que je suis fatiguée. Ça retombe toujours sur les enfants. Nous sommes toutes injustes, imparfaites. Ce rôle s’apprend au jour le jour. On ne passe pas de permis de mère. Mais je pense que nous avons toutes un gros défaut quand il y a un conflit. Celui de se mettre à leur niveau. Au lieu de se dire : ok, je vais leur répondre comme un adulte, rien à faire, on régresse limite cour de récréation.

Jeune grand-mère depuis peu, comment le vit-on ?


C’est une situation très confortable. Aucune responsabilité, rien que du plaisir. Il suffit juste de les gâter.

Les enfants ont-ils évolué ?


Je pense qu’ils sont plus longtemps dépendants de leurs parents, et ne s’en vont pas, mais pas uniquement pour des raisons matérielles. Ils sont moins engagés politiquement.

Qu’est-ce qui vous révolte aujourd’hui ?


L’individualisme ambiant. L’autre, tout le monde s’en fiche. De nos jours, c’est chacun pour soi, chacun pour son petit confort personnel. Je trouve que la fracture sociale, l’inégalité des chances, sont de plus en plus scandaleuses.

Et le rôle des parents dans tout ça ?

Ils sont les référents absolus. C’est une responsabilité inouïe, pesante. On devrait tous êtres irréprochables, et ce n’est pas possible. Le pire, je pense, ce sont les parents laxistes, indifférents. Car pour se construire, un enfant a besoin de tester ses limites, à nous d’y mettre des barrières.

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de publier son dernier roman « Foudre », 286 pages, 19,90€, aux éditions XO.

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