Entretien avec Cartouche, humoriste et papa

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Humoriste, danseur classique, mime et comédien, Cartouche, notre « Billy Elliot du 93 » est aussi un papa fier de sa fille Nina, quatre ans, et engagé dans la paternité comme on s’engage en religion. Il débute en juin une tournée nationale avec un spectacle plein de surprises et de fantaisies. Rencontre.

Un papa comique est-il un papa rigolo ?

Côté mômes : Quelle vision avez-vous de la paternité ?

Cartouche :
Avant d’être papa, j’ai toujours été assez proche des enfants. J’ai fait beaucoup d’animations en tant que colon, puis animateur de colonies et directeur de centres de vacances. J’ai le BAFA et le BAFD. En 2002, quand je me suis retrouvé dans un marasme professionnel profond, j’ai travaillé un an dans une crèche. Ce qui m’a apporté beaucoup de joie. Je me suis senti utile et plus fort. A cette période, j’ai arrêté d’écrire.

CM : Aviez-vous programmé de devenir père ?

C :
C’était une évidence et une nécessité. J’étais prêt depuis très longtemps, mais j’ai le sentiment que ma fille est arrivée quand elle l’a voulu. Après que son enfant soit né, on sent qu’il n’est pas là par hasard, comme s’il devait nous apporter quelque chose.

CM : Etes-vous un bon père ?

C :
Il est un peu tôt pour répondre ! Pour Nina, je veux être un guide qui montre un chemin. Bien que très accaparé par mon boulot, j’ai toujours un regard sur Nina. J’ai la certitude d’avoir fait, au moins quelques fois, ce qu’il fallait. Quand par exemple j’ai organisé l’anniversaire de ses 3 ans à la maison, avec ses amis.

Être papa : la recette

CM : Quelles sont les qualités indispensables d’un bon père ?

C :
L’écoute, la présence, la régularité dans l’autorité, sans pour autant se montrer autoritaire, surtout quand les parents sont séparés, comme pour Nina. On doit pouvoir surfer sur le tempérament et les envies de son enfant. Il m’arrive de dire : « pas de dessins animés cet après-midi ». Et s’il pleut toute la journée ! Je peux changer d’avis mais en lui expliquant pourquoi. Il est important d’avancer dans la vérité, d’être en accord avec ses émotions.

CM : Prenez-vous ce rôle très au sérieux ?

C : Il a donné une direction différente à ma vie. J’en suis venu à me poser des questions sur mon propre père qui m’a manqué. J’en ai d’ailleurs fait un livre*. J’espère que la phase « je déteste mon père », que risque de traverser Nina, ne sera que transitoire. L’enfant nous oblige à poser un regard sincère sur notre vécu. Quand on lui dit qu’on est heureux, il sait s’il s’agit de la vérité ou non.

Papa humoriste : la dérision est une philosophie

CM : Cherchez-vous à lui inculquer le sens de l’humour et de la dérision ?

C : De L’humour, non, car c’est inné, mais de la dérision, oui. Je reste dans le protocole du jeu, pas du sketch. Jouer, déconner et faire des voix, c’est dans ma nature. Nina a pris ça de moi et fait aussi des blagues ! Si une famille ne rit pas et ne crie pas même, ce n’est pas bon ! J’aime la voir rire seule ou avec les autres. Mais il y a un temps pour tout et quand je dis « non », c’est « non ». Chez moi, elle fait une sieste et se couche à 19 h 30.

CM : Votre côté clown apporte-t-il quelque-chose en plus à votre fille ?

C :
Oui, une légèreté sur les choses graves, ce qui ne veut pas dire de l’inconscience. On se fait rire mutuellement. Pour elle, je suis un enfant. Apporter de la joie, c’est donner de l’émotion. Un humain sans émotions est seulement une enveloppe, un être mort.
 

CM : Vous demande-t-on souvent si vous êtes un parent drôle ?

C : Oui, mais ça ne m’ennuie pas ! Et je suggère : « pose la question à Nina » qui répond : « oui mon papa c’est un coquin ! » Je développe ce côté espiègle chez elle. A travers l’humour, on peut tout dire. Regardez Jamel Debbouze, il ne se refuse rien et ça passe très bien. Je l’aime beaucoup.

Papa clown au grand coeur

CM : Vous vous êtes engagé dans de nobles causes pour aider les enfants, pourquoi ?

C :
Je suis parrain de deux associations caritatives, un engagement qui me tient à coeur : Les petits citoyens* qui aide les enfants à mieux connaître leurs droits et leurs devoirs ; et Enfants Star et Match*, qui récolte des fonds destinés à acheter des jouets pour les enfants cancéreux, en phase terminale. Un week-end caritatif, organisé le 12 juin à Juan Les Pins, permettra, lors de la vente aux enchères de la soirée de gala du 13 juin, de récolter une somme que j’espère conséquente.

Cartouche : de la danse au rire, un grand écart

CM : A 8 ans, vous avez découvert la danse classique et suivi des cours en cachette… Vous imaginez Nina faire pareil dans quatre ans ?
 
C : Moi, j’avais des raisons de cacher ma passion à ma famille. L’environnement dans lequel j’ai vécu, la cité, avec deux sœurs, trois frères et un père absent, n’était pas propice à évoquer une telle passion. Mais si ma fille me faisait ça, j’aurais raté quelque chose, n’ayant pas l’écho de confiance dont j’avais rêvé. Sans climat de confiance, un enfant garde pour lui ses inquiétudes et ses questionnements.
 

CM : Quand vous avez été recruté par l’Opéra de Marseille, à 20 ans, votre mère vous a fait promettre de l’appeler tous les jours…

C : Je n’en demanderai pas tant à Nina ! Je la veux autonome. Moi, je ne l’appelle jamais pendant la semaine où elle est chez sa mère alors que sa mère l’appelle très souvent durant ma semaine. En revanche, dès qu’elle m’envoie un message ou qu’elle a envie de m’entendre, je réponds présent.

CM : Nina pratique-t-elle la danse ?

C : A la maison seulement pour l’instant. Elle en fera forcément, mais comment ça résonnera chez elle ? En fait, je la rêve heureuse et j’adorerais qu’elle ait une passion, car ça permet d’accéder au bonheur. Je la soutiendrai dans sa passion. Ce qui nous rend heureux, c’est notre profonde décision de l’être un jour ! Il faut faire sa propre révolution. Tous les gens qui ont connu la réussite sociale viennent de très bas ou sont des êtres blessés.
 

CM : Vous êtes monté sur les planches à La Cigale le 3 avril dans un spectacle, sans titre, mis en scène par Marie-Claude Pietragalla et Julien Derouaul…

C : « Sans titre », c’est fait exprès ! J’ai choisi Pietra, dont j’aime passionnément le travail, pour son talent de chorégraphe et de metteur en scène. Dans ce spectacle solo, il y a un vrai travail de musique et de lumière. Je danse tout le temps, je bouge, je parle sur le ton de l’humour. J’évoque les rapports entre un homme et une femme en couple depuis 7 ans. Elle, lui dit par exemple : « soit tu t’engages, soit tu dégages ! » alors qu’il a tout fait pour elle : appris à boire le thé Bio sans sucre… A la Cigale, c’était complet ! La tournée du spectacle débute en juin pour une centaine de dates prévues sur deux ans, avec l’Olympia en 2010.

CM : Avez-vous d’autres projets en cours ?

C :
Après le succès de la série d’épisodes de 2 min de Ouf le Prof, un épisode de 26 min est prévu cet hiver sur TF1. J’écris aussi une série de programmes courts, toujours pour TF1 : Yfékoi, dans la même veine que le jeu Pictionary. L’enfant, devant son téléviseur, a deux minutes pour mimer le métier, l’objet ou l’animal que je mime. Et puis, je prépare l’adaptation de Petit Ours Brun en comédie musicale. Rendez-vous sur scène avec lui, normalement en septembre 2010.  


*Quand je serai danseur Editions Robert Laffont
*lespetitscitoyens.com
*enfantstaretmatch.com

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