Garde d’enfant : les errements du droit opposable

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Le droit opposable à la garde d’enfant était l’un des thèmes phares de la présidentielle. Les modalités de son application ne seront finalement étudiées qu’en 2010 pour être effectives en 2012. Et pour cause ! En termes de solutions de garde, on est encore loin du compte. Etat des lieux.6538Le taux de fécondité dans l’hexagone a passé en 2006 la barre de 2 enfants par femme. Du jamais vu depuis 30 ans, faisant de la France le pays le plus fécond d’Europe. Une tendance qui s’est confirmée en 2008 avec 800 000 nouveaux-nés. Une bonne nouvelle pour le renouvellement des générations mais pas forcément pour l’organisation des premières années de vie des bambins. Des enfants qui pour la moitié ont des mamans de 30 ans ou plus, qui donc en majorité travaillent et ont amorcé une carrière qu’elles peuvent difficilement se permettre de mettre entre parenthèses en ces temps de crise. Oui mais voilà, que faire de bébé ? Le rapport commandé il y a quelques mois par le gouvernement à Michèle Tabarot, députée UMP, fait état de 322 000 places manquantes en crèche ou chez les assistantes maternelles. La Cnaf, de son côté, évalue le besoin à 430 000 places. Quoi qu’il en soit, le taux de couverture n’est que de 51 places pour 100 enfants. Autre phénomène : ces dernières années, le taux de scolarisation des 2-3 ans à la maternelle a chuté. Dans ces conditions, l’annonce récente de Nicolas Sarkozy d’un congé maternité plus court, même s’il propose de l’assortir de la création de 220 000 places d’accueil supplémentaires, paraît anachronique…

Droit opposable… Et inapplicable !

… A moins qu’il ne soit mis un gros coup d’accélérateur pour que le nombre de places et de solutions innovantes augmente très rapidement, condition sine qua non à la mise en place, d’abord envisagée en 2009, aujourd’hui repoussée à 2012, du droit opposable à la garde d’enfants. Difficile en effet pour des parents d’attaquer en justice une collectivité territoriale qui ne leur offrirait pas de place pour leur enfant… Alors que ces places sont inexistantes ! C’est pourtant le premier défi que devra relever le Haut Conseil de la famille, nouvelle instance qui remplace la conférence de la famille et travaillera à long terme en évaluant les politiques menées et en anticipant les ressources de la branche famille pour en tirer le meilleur parti.
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Les propositions Tabarot

Dans un tel contexte, le rapport Tabarot remis en juillet dernier préconise des mesures à mettre en place dès maintenant, parallèlement à la mise en œuvre progressive du droit opposable à la garde d’enfant. Première proposition : désengorger les crèches en créant des « jardins d’éveil » destinés aux 2-3 ans dans les crèches existantes et les écoles maternelles. Une mission qui relèverait de la responsabilité des communes ou des intercommunalités qui se verraient confier une compétence facultative dans le domaine de la petite enfance. Une mesure jugée dangereuse par la CGT qui y voit une « déstabilisation de l’école maternelle » et une « déqualification des professionnels ». Autres pistes : développer les crèches et services de garde en entreprise (voir encadré), autoriser les assistantes maternelles à garder 4 (contre 3 actuellement) enfants en même temps et à se regrouper dans un lieu unique sans perdre leur statut ou encore permettre le cumul emploi-retraite pour tout retraité prenant un emploi dans le secteur de la petite enfance. 6537

Crèches d’entreprise : peut mieux faire !

A l’heure actuelle, moins de 2% des entreprises d’au moins 20 salariés proposent des places en crèche. Le rapport Tabarot plaide pour une incitation à développer de manière significative ce système car il offre, outre une souplesse et une sérénité aux salariés concernés, deux avantages à l’entreprise : la fidélisation de ses salariés et la possibilité pour ces salariés d’être plus longtemps présents sur leur lieu de travail, donc plus productifs. Pour inciter les entreprises à aller dans ce sens, le rapport Tabarot préconise la création d’un crédit d’impôt pour les entreprises finançant des places en crèche, indépendant du crédit d’impôt famille, qui comprend aussi des dépenses de formation ou de rémunération. Ce crédit d’impôt crèche individualisé serait plafonné à 500 000 euros, soit le plafond actuel du crédit d’impôt famille, mais avec un tau de prise en compte des dépenses de 50 % au lieu des 25 % actuels. Peut-être un début de solution pour réconcilier vie professionnelle et vie de famille !
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3 questions à François Fondard, président de l’Unaf (Union nationale des associations familiales)

Côté Mômes : Que pensez-vous des propositions du rapport Tabarot ?
François Fondard : Pour nous, ce rapport est l’amorce d’une longue réflexion qui s’engagera dans les prochaines semaines au sein du haut Conseil de la Famille. Une vaste évaluation sera alors lancée pour identifier les besoins en places de crèches et chez les assistantes maternelles en fonction des territoires car il y a de grandes disparités. L’Unaf souhaite que le développement de l’accueil de la petite enfance tienne compte de deux impératifs : assurer la sécurité et l’épanouissement des enfants et favoriser la maîtrise de la dépense.CM : Le droit opposable à la garde d’enfant, déjà repoussé face à la pénurie de places d’accueil, vous paraît-il  envisageable pour 2012, comme prévu ?  
FF : Nous l’espérons. Ce qui est sûr, c’est que sa mise en place ne serait pas envisageable à l’heure actuelle, compte tenu des manques dans un certain nombre de territoires. Et puis il reste une autre question majeure à résoudre : A qui incomberait la responsabilité de ce droit opposable ? Serait-ce de la responsabilité de l’Etat, de celle des collectivités locales ? D’ailleurs, dans les premières réflexions que nous avions menées au sein de l’UNAF, nous considérions qu’il ne s’agissait pas que les collectivités locales soient pénalisées sur cette question si on ne leur donnait pas les moyens, justement, soit de créer des places de crèche suffisantes, soit de former suffisamment d’assistantes maternelles. Sur certains territoires, certaines familles ont d’une certaine manière le libre choix mais sur d’autres, surtout dans les grandes zones urbaines, c’est une autre histoire. Ce qui est sûr, c’est que si on assure le soutien financier aux collectivités locales, automatiquement, elles n’hésiteront pas à s’engager vers des créations de places.CM : Avez-vous des raisons d’être optimiste pour l’avenir ?
FF : Disons que nous allons vers le mieux mais rien n’est résolu à aujourd’hui. Toutes les familles plébiscitent plutôt la crèche comme mode de garde mais financièrement, ce ne sera pas réalisable, d’autant plus avec la crise financière que nous traversons. Nous savons que la branche famille n’aura pas l’aisance financière escomptée pour les prochaines années. Des choix devront être faits. Depuis le 1er janvier dernier, les assistantes maternelles ont la possibilité de garder non plus 3 mais 4 enfants en même temps, ce qui va sans doute apporter une solution à pas mal de familles. Et puis, il y a quelques jours, un protocole d’accord a été signé entre plusieurs ministères et la Cnaf, accord qui prévoit une évolution des crédits d’action sociale de la branche famille de 7,5 % par an sur quatre ans et qui permettra, dans ce laps de temps, de créer 100 000 nouvelles places en accueil collectif pour les jeunes enfants. Une partie des besoins seront ainsi couverts.

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