Témoignage de crèche: une toute petite guitare

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Nous sommes un matin en juin. Le soleil a remplacé la grisaille parisienne. Dehors, le jardin de la crèche est verdoyant. A l’intérieur, l’atmosphère y est tout aussi ensoleillée. Nous allons démarrer notre atelier musique de la semaine.L’invitation.
C’est l’heure ! J’ai préparé mon matériel et révisé un peu le déroulement que j’ai imaginé pour cet atelier-ci. Je sais aussi que je vais devoir faire appel à toute ma créativité face à celle des enfants. Mon déroulement me sert de trame et les petits extras s’invitent au gré de la demande.
Je prends ma guitare, traverse lentement la crèche de long en large et en travers. Je suis bientôt suivie d’une jolie ligne de bambins aux visages réjouis. Je ris en m’imaginant pour la énième fois Blanche-Neige et ses petits « nains » ! Depuis septembre, mon parcours “d’invitation” est mené à l’identique à chaque démarrage d’atelier. Aujourd’hui, les enfants adorent reconnaître mon trajet à l’avance et s’inviter au détour de leur choix.
L’atrium en demi-lune nous attend, les bras grands ouverts, coussins ici et là, matelas colorés, petites chaises, et au centre une chaise un peu plus haute, la mienne. Pas de dispute, chacun trouve sa place. Nous prenons notre temps.
Mon regard enveloppe chacun des enfants. Ils sont venus avec les professionnelles. Ses dames sont toujours enchantées de se joindre à cet atelier ! Je cherche des yeux Bernard, qui, fidèle à son habitude, a répondu à l’invitation mais préfère rester caché sous le toboggan. Il est bien là. Nous pouvons commencer !

Une présentation ritualisée.
C’est sur un air joyeux, accompagnée par ma guitare, que j’entonne des bonjours plein d’entrain destinés à chacun. « Bonjour, bonjour, Emma! Bonjour, bonjour Jade ! Tout le monde à droit à son bonjour, même les professionnelles, même Bernard «de sous le toboggan».
Ce moment est très apprécié par tous. Celui qui reçoit le bonjour baisse souvent les yeux d’un air intimidé, un petit sourire au bord des lèvres, tandis que les autres frappent des mains de toute la vigueur de leur propre attente. Un tour complet est assuré.

Une chanson
Puis, c’est la chanson de la Coccinelle que nous allons partager ensemble. La guitare s’active dans ses accords de gouttelettes de notes. Les enfants et les adultes se laissent aller à chanter. Aujourd’hui, les enfants connaissent par cœur toutes les chansons de notre répertoire et savent s’abandonner à ce moment intime où les voix donnent de toute leur puissance. Un long travail d’approche d’une année entière.

Des images de Colombes
Il est temps de laisser la guitare se reposer. Nous la remercions et je dépose Madame Guitare à côté de moi, car il paraît qu’elle aime nous écouter et nous regarder !
D’une pochette magique, je sors de grandes images de Colombes et je fais écouter leurs si célèbres roucoulements. Les enfants se passent et se repassent les images. Certains les gardent en main les yeux dans le vague, tout à leur écoute. D’autres vont se disputer car il est clair que cette image-ci est bien plus belle que celle-là ! Tiens, on dirait que Cécile et Martinien veulent la même image… Comment faire alors ? Les enfants réfléchissent et se trouvent des compromis. Les roucoulements accompagnent cette petite émeute humaine.
Bernard « de sous le toboggan ». se contorsionne pour voir un peu des images. C’est trop loin. Il se résigne. Il renonce aux images malgré nos sollicitations toutes en douceur.

La chanson des hirondelles

Voilà un moment que les enfants sont assis et il est temps de bouger un peu ! C’est la chanson des hirondelles qui prend le relais, avec sa gestuelle si caractéristique. Passe, passera la dernière, la dernière et hop ! Voilà Jean, Manon et Jules attrapés ! Des éclats de rire accueillent cette prise en plein vol ! Certains enfants préfèrent regarder et s’amusent beaucoup de cette ambiance festive qui règne autour d’eux. Encore ! Encore ! Qui n’a pas connu ces moments si précieux, où les enfants insatiables en redemandent!

Les instruments à manipuler

D’une énorme caisse sortie de je ne sais où, je saisis la première une paire de maracas. Aussitôt, d’un même élan, les enfants, comme les adultes partent explorer les instruments qui les attendent.
Sachez que ma guitare adore être manipulée par un seul enfant à la fois et surtout tout en douceur !
Dans cette ambiance musicale, chacun y va de sa propre créativité.
A travers la fenêtre, je jette un coup d’œil vers le ciel. Pourvu qu’il ne se mette pas à pleuvoir à cause de nous ! Mais non ! Le cœur est à la fête ! Je souris. Je suis heureuse de voir tout ce petit monde dans un tel état d’excitation. J’ai tout de même une question en tête. Comment vais-je pouvoir calmer leurs ardeurs tout à l’heure?

La surprise
Je décide alors de sortir ma dernière carte afin de terminer l’atelier dans de bonnes conditions.
– Les enfants, dis-je, j’ai une surprise pour vous. Je vais aller la chercher. Vous m’attendez ici ?
– OUI ! Répondent-ils en cœur.
Je gagne alors mon bureau avec un air méga mystérieux… J’écoute. L’atrium est silencieux. Je reviens sur la pointe des pieds avec ma surprise. Tous les regards sont tournés vers moi. Je prends mon temps, savourant cet instant que nous savons si volatile en crèche. Je pose l’étui sur mes genoux. Je l’ouvre.
Et je sors pour la première fois … mon violon. Les enfants sont ébahis. Ils ne connaissaient pas cet instrument-là.
Il est vrai que mon violon, contrairement à la guitare, n’aime pas du tout être touché par les enfants. C’est comme ça. C’est son droit. C’est pourquoi je ne le montre que très rarement.
Je prends mon archet et je le fais glisser harmonieusement sur les cordes pour une légère mélodie. Mon auditoire est impressionnant d’attention. Puis, je décide de faire une brève présentation de l’instrument et de clore l’atelier.
– Ceci était un Violon ! Et c’est aussi l’heure de la fin de cet atelier. A toute à l’heure !

Silence.
Lorsque de dessous le toboggan, comme dans un souffle, nous entendons une petite voix :
– Oh ! Une toute petite guitare !!!
Ce coquin de Bernard n’en avait pas perdu une miette! Échanges de regards humides… Quelle émotion! Oui, nous nous sommes alors félicitées, dans un secret commun, d’avoir toujours su respecter sa position de retrait lors de ces ateliers. Un jour, il nous rejoindra. Lorsqu’il le souhaitera. Le principal étant qu’il profite lui aussi de la musique dans la mesure de ses possibilités et de ses envies.

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