Pédiatre ou généraliste : un vrai débat ?

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Le pédiatre, médecin spécialiste des enfants, est indispensable durant le séjour en maternité. Mais ensuite, est-il bien nécessaire d’y recourir pour traiter les petits bobos de nos bébés ?

Pédiatre ou généraliste ?

En France, il y a un peu plus 2500 pédiatres libéraux et 50 000 généralistes ambulatoires (sur 6000 pédiatres et 100 000 médecins généralistes diplômés). Le pédiatre, de par sa formation et son expertise, est particulièrement apte à déceler très tôt les maladies chez le nourrisson. Il assume les soins courants, les bilans de santé périodiques, les pathologies aiguës, fait de la prévention, de l’éducation à la santé et apporte aussi un soutien psychologique pour consolider le lien entre parents et enfant, par exemple au moment des colères vers 18 mois ou plus tard, dès qu’apparaissent des difficultés d’éducation. Mais il n’est pas dit que cela continue…

Pédiatre : une profession en voie d’extinction…

A l’heure actuelle, cette spécialité vit une grave crise démographique, du fait de l’augmentation de la demande (en ville, en néonatalité, en urgence, en PMI et en maternité) et de la relève non assurée. « Plus de la moitié des pédiatres qui partent en retraite ne sont pas remplacés. A ce rythme, en 2020, il n’y aura plus de pédiatre en ville ! », dénonce le docteur Catherine Salinier. Elle milite à l’AFPA (Association française de pédiatrie ambulatoire), qui redoute que la politique gouvernementale ne veuille plus de pédiatres en ville, comme dans certains pays (Grande-Bretagne notamment). « 220 postes en pédiatrie par an, c’est tout à fait insuffisant, surtout quand on sait en plus que plus de 1000 postes de généralistes restent vacants chaque année, et que la moitié des généralistes formés n’exerce pas en libéral. On pourrait passer à 600 postes de pédiatres facilement », estime François-Marie Caron, président de l’AFPA.

De son côté, le Professeur Danièle Sommelet a remis au Ministre de la Santé en mars 2007 un rapport intitulé “L’enfant et l’adolescent ; un enjeu de société, une priorité du système de santé”, aboutissement d’un travail de deux ans sur la pédiatrie française. Ce rapport préconise 20 à 30% de pédiatres en plus. Tout ça pour dire qu’il est de moins en moins facile de trouver un pédiatre. Mais, et c’est LA question qui fâche, nos généralistes ne peuvent-il pas aussi bien faire l’affaire ? Après tout, ils viennent d’acquérir le statut de spécialistes et suivent déjà 80 % des enfants français…

Pédiatre : une prise en charge plus pertinente ?

Pour le docteur Catherine Salinier, il existe des différences notables dans la prise en charge des enfants par les uns et des autres. Pour elle, le pédiatre se projette beaucoup plus dans le temps, tandis que le généraliste traite plus l’instant T. « Ou, pour le dire autrement, le pédiatre s’attache plus au développement de l’enfant, moins à la pathologie aiguë ». Sans vouloir faire d’opposition entre ces « deux métiers différents et complémentaires », elle considère simplement que le pédiatre est meilleur que le généraliste pour soigner des enfants, ne serait-ce que parce qu’il en voit environ 3500 par an, soit 20 par jour, contre 3 pour les généralistes...

Ces derniers auraient en plus, selon elle, tendance à trop prescrire pour se couvrir. Elle cite à ce propos une étude comparative réalisée à partir des données de la Caisse régionale d’assurance maladie de Franche-Comté (in « Les archives de pédiatrie », 2005). « Il y est montré que le suivi par les pédiatres est associé à 25 % de consultations et 6 % d’hospitalisations en moins par rapport au suivi des généralistes. Que les prescriptions des pédiatres y sont inférieures de 25 % pour la pharmacie, 17 % pour la biologie et 42 % pour l’orthophonie. Que les enfants suivis par des pédiatres ont une couverture vaccinale plus large (31 % de plus de vaccins hépatite B, 7 % de plus de ROR), ainsi qu’une meilleure prévention du rachitisme et des caries dentaires (deux fois plus souvent de vitamine D et de fluor) ». Le pédiatre ferait-il faire des économies à l’Etat ?

Recentrer le débat

« On peut toujours faire dire ce qu’on veut aux chiffres », tempère le Dr Pascal Menghy, secrétaire général de MG France, le premier syndicat de médecins généraliste du pays. « Pour moi, ces résultats de prescription sont forcément biaisés quand on les rapporte aux heures de travail. Un généraliste assure une bien plus grande permanence des soins, il est donc normal qu’il prescrive plus d’hospitalisation, par exemple, et de toute façon un enfant ne restera pas à l’hôpital s’il n’en a pas besoin ! ».

De même, il est sceptique face aux chiffres concernant l’orthophonie : « on pourrait regretter que les pédiatres ne  prescrivent pas plus de bilans orthophoniques (et non de séances d’orthophonie, dont seul l’orthophoniste décide !) face à un problème de langage…» Il rappelle aussi que les généraliste ont plus souvent affaire à une population défavorisée, et cela joue sur le respect du calendrier vaccinal : ainsi, les vaccins qu’il a prescrit restent parfois au frigo pendant une année car les parents oublient de les apporter…

Le système de santé à revoir

« Pour moi, le pédiatre ne traite pas mieux les enfants, et si certains chiffres semblent défavorables, rappelons-nous que la médecine générale fait du tout-venant alors qu’il y a une certaine sélection en pédiatrie. Enfin et surtout, cette querelle pédiatre/généraliste est stérile. La vraie -et grave- question, c’est quel système de santé voulons-nous en France ? Aujourd’hui on a un gros problème d’accès aux soins. La société va-t-elle accepter encore longtemps des franchises médicales qui ne vont cesser d’augmenter ? Veut-on un système à l’américaine, avec uniquement des spécialistes ? Veut-on une médecine solidaire ? Et dans ce cas, quels sont les besoins de la population et que peut-on payer ? Il faut sortir des conflits de chapelles pour avoir un vrai débat sur la santé ».

A l’heure actuelle, des travaux et discussions sont en cours au ministère de la Santé pour redéfinir les missions des uns et des autres, et organiser des transferts de tâches. On devrait y voir plus clair d’ici la fin de l’année. Il faudra sans doute encore beaucoup de temps
pour que tout le monde s’adapte… Alors en attendant, trouvez le médecin qui convienne à votre petit et à vous-même, et restez-lui fidèle !

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