Divorce et enfance: Comment divorcer sans leur faire de mal?

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Défenseure des enfants, Dominique Versini a récemment rendu public son rapport 2008. Elle y insiste sur la notion de coparentalité et fait de nombreuses propositions innovantes pour mieux protéger les enfants victimes des conflits entre adultes dans les situations de divorce. Rencontre.

Côté Mômes : Nous vous avions interviewée en mars 2007 à propos du statut des beaux-parents. Depuis, les choses ont-elles avancé de ce côté-là ?
Dominique Versini : Un avant-projet de loi a été préparé par le ministère de la justice et de la famille qui sera transmis au Parlement dans l’année. Les choses ont donc beaucoup avancé pour donner une légitimité officielle aux beaux-parents qui ont un lien affectif fort avec les enfants de leur conjoint.

Divorce et enfance: droits et devoirs des parents

CM : Vous souhaitez que les futurs mariés et les jeunes parents, à la naissance de leur enfant, soient informés sur la notion de coparentalité. Pourquoi ?
DV : Il faut leur dire quels sont les droits et les devoirs des parents pendant qu’ils vivent ensemble et dans l’hypothèse où ils ne vivraient plus ensemble parce que les principaux sujets de conflits à l’occasion des séparations concernent la coparentalité. Où l’enfant va-t-il vivre, comment le droit de visite et d’hébergement va-t-il s’organiser ? Quelle école choisir pour lui ? Le baptisera-t-on ou pas ? Autant de décisions qu’il paraît naturel de prendre à deux lorsque l’on vit ensemble. Mais, lorsque les parents se séparent, ils pensent trop souvent qu’ils peuvent faire « disparaître » l’autre parent. Or, l’autorité parentale conjointe veut dire qu’ils doivent continuer à prendre les décisions qui concernent l’enfant ensemble. C’est ça, la coparentalité, et c’est ce qu’énonce la loi de 2002 mais qui n’a peut-être pas toujours été bien expliqué.

Séparation : comment protéger les enfants des dérives de leurs parents ?

CM : Quelles sont les « infractions » les plus fréquentes que vous rencontrez à l’application de cette coparentalité ?
DV : Un changement d’établissement scolaire sans l’accord de l’autre, un déménagement à l’autre bout de la France qui place l’un des parents et l’enfant dans une difficulté à entretenir des relations régulières… Aujourd’hui, les juges aux affaires familiales, s’ils sont sollicités par un parent lésé dans ce type de décision prise sans son accord iront globalement contre celui qui a fait un coup de force parce que l’intérêt supérieur de l’enfant est le maintien des liens avec ses deux parents.
CM : Dans quelles limites ? Si l’un des parents est violent avec son ex-conjoint, s’il le dénigre sans arrêt, n’est-ce pas très nocif pour l’enfant ?
DV : S’il y a des actes de violence avérés sur un enfant, (qui ont fait l’objet d’une procédure judiciaire), le parent maltraitant peut être privé de son autorité parentale ou bien l’enfant le rencontrera dans un espace rencontre. En cas de dénigrement, c’est plus complexe mais le juge a la possibilité de faire faire une enquête sociale et de nommer un expert psychiatrique qui va recevoir tout le monde… Et puis en général, les gens qui sont dans l’aliénation parentale sont parallèlement dans une multiplicité de procédures judiciaires, dans le délit de non représentation d’enfant, ce qui peut aller jusqu’à 15 000 euros d’amende et 1 an de prison même si ça n’est pas très souvent appliqué parce que ce n’est pas évident de mettre une mère en prison. De façon générale, le juge se place du côté du parent le moins combattif, le plus apaisé.

Divorce et enfance : le rôle des juges, protéger!

CM : Cela nous mène tout droit aux juges aux affaires familiales. Vous plaidez notamment pour qu’ils reçoivent une formation spécifique. 
DV : Le contentieux de la famille, ce sont 360 000 affaires, soit 15% des affaires traitées devant les tribunaux de grande instance. Or, les juges aux affaires familiales ne sont pas formés, ce n’est pas une spécialité, contrairement aux juges des enfants. On devient juge aux affaires familiales par les hasards d’une carrière. Ils sont en outre débordés. Alors, ils essaient de trouver la meilleure solution pour l’enfant mais ça n’est pas toujours facile parce que parfois, pour ne citer qu’un exemple, un père violent n’est pas forcément violent sur son enfant. D’ailleurs, même si ce père est poursuivi pour violence, le juge ne le sait pas forcément. Il n’y a pas de coordination entre les tribunaux. C’est pour cela que je demande la création de pôles enfance-famille.
CM : Vous soulignez aussi qu’il existe des disparités importantes entre les tribunaux concernant « l’âge de discernement » d’un enfant. Comment faire pour réduire ces écarts ? Peut-on se baser sur des critères objectifs pour décréter cet âge ? Ne faut-il pas, aussi, simplifier l’accès des enfants au juge des affaires familiales 
DV : C’est un vrai problème. Pour l’instant, c’est l’enfant qui doit écrire au juge pour le voir. C’est très difficile pour un enfant de faire cette démarche car cela le place dans un conflit de loyauté. Et puis ça angoisse les parents. Moi, je considère que c’est plutôt quelque chose qui met l’enfant en difficulté et ma proposition, qui ne fait pas forcément l’unanimité, c’est que les juges reçoivent systématiquement tous les enfants en âge de discernement, au moins pour les informer qu’ils peuvent être entendus s’ils le souhaitent. Reste en effet le problème de « l’âge de discernement »,  différent selon les juges et qui reste à uniformiser. Enfin, là encore intervient le problème de non formation des juges. Beaucoup ne sont pas très à l’aise pour entendre les enfants. C’est pourquoi je demande que, dans tous les pôles enfance-famille, il y ait un psychologue clinicien qui puisse apporter son conseil. Cela a un coût, évidemment, mais je crois que l’on pourrait éviter beaucoup de désastres, dépressions et suicides par exemple, en investissant un peu dans la prévention. Nous avons encore beaucoup à progresser collectivement dans l’intérêt de l’enfant.

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