Education sexuelle : l’école a son mot à dire

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Parler de sexe à nos enfants est une véritable question de santé publique. C’est tout un pan de leur éducation qui participera à en faire des adultes responsables et épanouis. Mais c’est aussi une question qui suscite le débat : pour beaucoup de parents, c’est un enseignement qui n’a pas sa place à l’école. Et pourtant, c’est bien délicat d’aborder le sujet en famille ! Alors, que fait l’école ?

Parler de sexe à l’école ? Une nécessité !

L’éducation sexuelle à l’école ? C’est simple, on en entend à peine parler. C’est seulement en 5ème, qu’au détour d’un cours de biologie, les élèves abordent le sujet de la reproduction, en termes… médicaux. Depuis plusieurs mois, certains élus se décarcassent pour donner une place plus importance, et mieux étudiée, à l’éducation sexuelle à l’école. Le message est clair : on ne parle pas assez tôt de sexualité aux enfants, et surtout, les programmes actuels minimisent son importance dans le développement des futurs adultes.  Informer pour mieux responsabiliser, tel est le cheval de bataille des défenseurs de l’éducation sexuelle.

Dans un rapport rendu le 17 mai, la députée UMP Bérengère Poletti s’inquiète des failles du système éducatif en matière d’éducation sexuelle. Si les jeunes ne sont pas suffisamment informés en ce qui concerne la sexualité, le résultat est sans appel : le recours à l’IVG est en augmentation nette chez les mineures depuis quelques années.

Le fait même que ces notions soient abordées en cours de biologie annonce la couleur : on y décortique souvent la question de manière superficielle, et surtout, très théorique. De plus, chaque enseignant aborde la question à sa manière, et des intervenants ne sont pas nécessairement invitées dans chaque établissement. Résultat : l’information n’est pas de même qualité d’une classe à l’autre. Bérengère Poletti déplore un manque d’information qui nuirait naturellement à la responsabilité des jeunes dans leur rapport à la sexualité.

Son plan d’action : un personnel éducatif mieux formé et des acteurs tels que le Planning familial impliqués dans les cours. Selon elle, l’Education nationale devrait prendre le relai pour garantir une implication des établissements tout au long de la scolarité des enfants, et ce sur le plan national. 

Les « Gender studies » font débat

Dénoncé par Christine Boutin et les autorités catholiques, puis défendu par les enseignants, le nouveau programme de SVT des lycées fait monter la mayonnaise. Plus qu’un débat sur les programmes scolaires, c’est un vrai duel éthique qui se joue.

« Propagande ». C’est le terme qu’a utilisé la présidente du Parti Chrétien-Démocrate Christine Boutin pour décrire les « Gender Studies ». Dans une lettre ouverte au ministre de l’Education nationale, elle proteste contre cet enseignement, désormais obligatoire au lycée, qui met à l’honneur l’étude des inégalités sociales hommes-femmes. La théorie du genre vise en fait à déconstruire les stéréotypes hommes-femmes en étudiant les inégalités de sexes au travers, non pas de différences biologiques, mais de constructions sociales. En somme, expliquer par quels mécanismes sociaux on devient un homme ou une femme. Mais Christine Boutin ne l’entend pas de cette oreille : pour elle, il s’agit ni plus ni moins d’une « conception particulièrement contestable de l’homme, de la sexualité et de la société ». Le point le plus contesté : le programme prévoit d’aborder la question de l’homosexualité au même titre que celle de l’hétérosexualité. Un effort de déconstruction des valeurs qui n’a pas manqué de déranger les associations catholiques.

Pour barrer la route aux revendications des représentants catholiques, les syndicats enseignants de sont mobilisés. Ils dénoncent une véritable « croisade anti-homo ». Dans un communiqué, le SNES-FSU (premier syndicat de l’enseignement secondaire), a protesté : « A les entendre, il n’y aurait qu’un seul modèle de cellule familiale : le couple hétérosexuel et ses enfants. L’école, lieu de socialisation et de transmission des savoirs, doit donner aux jeunes les connaissances scientifiques, sociologiques et philosophiques, nécessaires à la compréhension de la société et à leur émancipation ».

Pour l’Unsa Education, « les Eglises, quelles qu’elles soient, n’ont pas à donner leur avis sur des programmes scolaires qui visent à la formation de citoyens et non de croyants. » D’ailleurs, Christine Boutin elle-même insiste dans sa lettre sur l’importance des valeurs républicaines à l’école. Impossible de faire l’impasse sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat dans les programmes d’histoire, pourtant…

L’Unsa s’interroge : le ministre de l’Education nationale, Luc Chatel, « cèdera-t-il aux pressions des intégristes catholiques ? Ou y résistera-t-il ? » Verdict : en pleine période de rentrée, c’est maintenant certain : les programme de « Gender » ont bien fait leur place dans les manuels de SVT.

Et ailleurs, quelle place donne-t-on à l’éducation sexuelle ?

En France, l’heure est au débat. Un pas en avant, un pas en arrière… Il semble bien difficile de se mettre d’accord, et plus encore pour les élus de s’attaquer à ce sujet tabou pour lequel les parents ont tous un avis bien tranché.  Quelques exemples étrangers nous donneront peut être des idées à copier… Ou à éviter.

Suisse : La « Sex Box » qui fait scandale

A partir de la rentrée 2014, les écoliers de primaire de Bâle, en Suisse, auront droit à des cours d’éducation sexuelle. Loin des leçons moyenâgeuses d’anatomie, ces cours-là se veulent modernes à tout prix. Au départ, le « Plan d’enseignement 21 » a pour objectif de moderniser les programmes, en s’adaptant aux réalités de notre 21e siècle avec un enseignement uniforme dans les 21 cantons de Suisse alémanique. Au programme de ces nouvelles directives : cours sur le sexe dès le plus jeune âge, mais aussi sur l’égalité des sexes. Le matériel prévu pour ces cours d’éducation sexuelle va être prochainement distribué aux enseignants du primaire. Sans détour, il porte le nom de « Sex box ». Les enseignants y trouveront un pénis en bois, un vagin en peluche, des poupées… des joujoux, quoi ! D’après le 20 minutes suisse, « les puéricultrices doivent entre autres montrer que des contacts avec des parties du corps peuvent apporter du plaisir ». Le scandale ne s’est pas fait attendre bien longtemps…

Les jeunes de l’UDC (Union démocratique du centre, plutôt centre-droite) sont fâchés par les pénis en bois et les vagins en peluche du Plan d’Enseignement 21. Ils ont immédiatement lancé une pétition pour que Lucerne n’applique pas le programme d’éducation sexuelle du plan, pourtant adopté par tous les cantons alémaniques. Selon eux, cette initiative est dangereuse, ni plus ni moins. « Nos enfants seront confrontés à des pratiques homosexuelles et d’autres orientations sexuelles », s’insurgent les jeunes UDC. Sensibiliser les enfants dès le plus jeunes âge à l’égalité des sexes et au respect des différences sexuelles, voilà une initiative moderne et pleine d’ambition, mais est-ce le bon âge ? La plupart des anti-Plan d’enseignement 21 dénoncent surtout la précocité de ces cours.

Les jeunes socialistes suisses, quant à eux, manquent cruellement de subtilité. Ils ont alimenté le débat en proposant au ministère de l’Éducation la diffusion de porno aux 10-12 ans. Tout en finesse !

Chine : Le sexe, c’est tabou !

En Chine, le sexe était devenu une préoccupation d’Etat sous Mao, et les traces de la politique de l’enfant unique sont encore présentes dans l’esprit des jeunes. A l’université, les cours d’éducation sexuelle se sont largement démocratisés : il n’est donc pas rare de voir des étudiants chinois assister à une démonstration d’utilisation du préservatif. Les cours font un carton dans les facultés du pays, mais… N’est-ce pas un peu tard pour apprendre les rudiments de la contraception ?  En effet, si les jeunes chinois se montrent relativement ouverts d’esprit (une enquête nationale montre que 60% ne sont pas opposés au sexe avant le mariage), ils sont très mal informés sur le sujet… Ils ne sont que 4,4% à connaître les réflexes basiques d’une sexualité sans risque. Le sexe reste un sujet tabou en Chine, et rares sont les familles au sein desquelles on l’aborde sans détour.

 

Iran : Le « Partenaire chéri » tombe le masque

En Iran, la Saint Valentin est interdite. C’est dire si le sexe est un sujet qu’on préfère taire. Pourtant, un DVD d’éducation sexuelle intitulé « Partenaire chéri » fait un véritable carton dans tout le pays. Mis en vente en pharmacie, s’il est autorisé à la vente, c’est parce qu’en utilisant des mots simples et une bonne dose de patience, le producteur du film a réussi à obtenir l’autorisation des ministères de la Santé et de la Culture. Une petite révolution en Iran, avec une petite ombre au tableau tout de même : le DVD est interdit aux moins de 18 ans.

 

 

Pologne : Education sexuelle ? Non, religieuse !

En Pologne, il y a longtemps que l’éducation sexuelle a été chassée de l’école, et remplacée par… l’éducation religieuse. Le débat sur la sexualité existe dans le pays, mais il est exclusivement mené par l’Eglise catholique. Le discours est simple et récurrent : le sexe est non seulement réservé à l’intimité, mais il est honteux. Et il s’est bien installé dans l’esprit des polonais : en juillet dernier, le peuple polonais a fait part de son opposition à l’avortement dans une pétition soutenue par plus de 500 000 citoyens.  Alors qu’il était déjà exclusivement autorisé en cas de risque de santé majeur pour la mère, il est sur le point d’être purement et simplement interdit.  

 

Québec : Rendez-nous l’éducation sexuelle !

 

En 2001, l’éducation sexuelle a été supprimée des programmes scolaires québécois. Depuis, on a eu le temps d’observer les conséquences de cette disparition sur les comportements des jeunes, et sur leur santé. Le bilan est alarmant : Selon Rita Lamothe (membre du comité Condition féminine de la Fédération interprofessionnelle de la santé interrogée par le site d’info québécois Cyberpresse),  l’abolition des cours d’éducation sexuelle a eu un effet désastreux sur la santé des jeunes. « Je suis catégorique », annonce-t-elle. « Les cliniques sont débordées, les jeunes arrivent en larmes, c’est tout un volet de leur éducation qui a disparu. En plus de cela, les jeunes filles victimes d’agressions sexuelles seraient beaucoup plus nombreuses à  se taire, considérant ces délits comme « anodins »…

Est-ce bien le rôle de l’école ? L’avis de nos parents experts

Pour répondre à cette question délicate, nous avons demandé leur avis aux lecteurs de Côté Mômes. Pour Sébastien, la responsabilité devrait être partagée entre l’école et la famille. « Les parents se doivent de mettre en garde et de renseigner leurs enfants, c’est leur rôle après tout ! Toutefois, l’école joue aussi son rôle éducatif, et les cours sur ce sujet peuvent vite se transformer en un milieu propice à l’échange et à la communication entre élèves. C’est cet échange qui est sain : c’est comme ça qu’on peut désamorcer des idées préconçues que certains ont prit comme argent comptant. Par exemple, quand j’étais moi-même en première scientifique, une de mes camarades était persuadée que la pilule ‘protégeait du Sida, sinon quel intérêt ?’… Alors même qu’elle la prenait ! C’est bien la preuve que l’information n’est pas la même d’une famille à l’autre… Et qu’à l’école aussi, il y a des lacunes. »

Marie, elle, a eu la chance de profiter au collège de l’intervention d’un homme qui vivait avec le sida. Une expérience marquante, qui a visiblement rempli son rôle de prévention. « Cet homme est venu nous raconter son histoire, il nous a tous fait réfléchir », raconte-t-elle. « Il n’a pas hésité à nous dire qu’il était homosexuel. Sans tabous, il nous a tout avoué de l’erreur qu’il a faite un jour, et qui a gâché toute sa vie. Il n’a cessé de répéter : ‘protégez-vous, pour ne pas vivre cette vie’. Encore aujourd’hui je me rappelle parfaitement de lui. »

Rosi, quant à elle, considère que l’éducation sexuelle relève avant tout du rôle des parents. « On éduque nos enfants à l’hygiène, à la politesse… Pourquoi ne devrait-on pas faire leur éducation sexuelle ? Mais c’est important qu’on en parle à l’école aussi, car je crois que malheureusement tous les enfants n’ont pas accès à ce type d’éducation dans leur famille…  J’ose espérer que si un jour une de mes filles a un comportement à risque, elle viendra vers moi en premier lieu… Mais quand on est ado, ce n’est pas toujours si simple : peur du jugement, peur de décevoir… Alors, si nos enfants peuvent se tourner vers une infirmière scolaire qui saura les conseiller, c’est rassurant. »

L’avis de Serge Hefez

Dans l’éducation sexuelle des enfants, quelle part revient aux parents, et quelle part revient à l’école ?

J’en mettrai volontiers beaucoup sur l’école ! Ce qui revient aux parents, c’est surtout ce qui tient de la relation affective : l’amour, la confiance, les liens de sécurité qu’on peut nouer avec quelqu’un. Mais aussi ce qui a trait à la santé, l’hygiène, le rapport au corps. Pour le reste, parents et enfants sont souvent mal à l’aise quand il s’agit d’aborder cette question !  A l’école, la sexualité n’est pas suffisamment abordée. Le sexe, ce n’est pas seulement de la biologie, c’est aussi une autre façon de mobiliser la position de l’enfant dans la société. Et c’est au sein d’un groupe d’enfant, avec l’aide d’un intervenant que cela se fait le mieux. L’important, c’est de susciter des discussions entre les enfants sur des sujets aussi vastes que la relation amoureuse, l’homosexualité, le plaisir…

Si le dialogue est aussi difficile entre enfants et parents, n’est ce pas parce que les parents n’abordent pas la question assez tôt ?

Si ! Les parents ne savent pas en parler, parce qu’ils voient leur enfant comme un petit ange et qu’ils ont envie qu’il vive dans le monde des Bisounours. Alors que la sexualité existe chez les enfants dès le plus jeune âge ! Résultat : les enfants n’osent pas leur poser des questions qui vont les gêner !

Un comble ! Raison de plus pour qu’à l’école, les enfants aient accès à un vrai socle de connaissance sur le sujet.

Absolument. D’ailleurs, il n’est jamais trop tôt pour en parler à l’école non plus. L’âge auquel les enfants sont le plus préoccupés par le sexe, c’est entre deux et six ans ! C’est à partir de cet âge qu’il faut en parler. Il faut s’adapter à l’âge de l’enfant : il y a des modes de représentations et des discours adaptés à chaque âge.

On copie les Suisses et leur « Sex Kit », alors ?

Parler de sexualité dès la maternelle, oui. Mais si on veut parler de plaisir avec les petits, c’est un peu délicat. Il ne faut pas être intrusif ! De toutes façons, ils savent déjà très jeunes que le sexe est un moyen d’avoir du plaisir. Surtout, ils ont droit à leur intimité, à leurs secrets. Entre deux et cinq ans, les enfants ne sont pas encore dans une recherche de la norme. Ils sont dans la découverte. C’est à ce moment là qu’ils se posent le plus de questions, il faut pouvoir leur répondre ! Un peu plus tard, un garçon un peu efféminé ou une petite fille « garçon manqué » se conformera à tout prix à la norme, et c’est la qu’on retrouve des enfants mal dans leur peau.

Et plus tard, des ados qui pensent que la sexualité n’est qu’une question de performance… En pratique alors, qu’est ce qu’il faudrait mettre en place dans les écoles pour que tout le monde s’y retrouve ?

Avant tout, il faut former des intervenants qui peuvent aborder ces questions. Mais quand on voit comment le court métrage sur l’homosexualité a mit le feu aux poudres, je me dis qu’on est loin du but ! (ndlr : L’année dernière, un petit film intitulé le « Le Baiser de la Lune » devait être diffusé dans les classes de CM1 et CM2 pour aborder de façon ludique la question de l’homosexualité. La diffusion de cette histoire d’amour entre un poisson-chat et un poisson-lune a été interdite par le ministère de l’Education Nationale).

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