Faut-il en finir avec le Prince Charmant ?

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Où en sont les filles – et les garçons par conséquent – avec le Prince charmant ? En rêve-t-on toujours dans les chaumières, est-il (enfin ?) détrôné ? Quels sont les éventuels risques pour l’adulte de trop y avoir cru enfant ? Côté Mômes a tenté de répondre à toutes ces questions autour d’un mythe qui conditionne bien des relations entre les hommes et les femmes… Et ce dès le plus jeune âge !6016

Qui veut la peau du prince charmant?

« Il est fatigué, le Prince Charmant, il est fatigué, son beau cheval blanc » chantait Michel Delpech dans les années 70. N’empêche, fatigué ou pas, il a tenu le choc depuis, il est toujours bel et bien là, au moins dans l’inconscient collectif. Résultat : les filles croient toujours à l’existence de l’improbable monsieur parfait et les garçons en ont un peu ras la casaque de ce bellâtre prétentieux qui les coiffe au poteau au moindre faux pas.

 Il n’y a qu’à faire un peu le tour des sites de rencontres pour s’apercevoir que le mythe persiste, au moins autant que celui de la Barbie aux mensurations parfaites assortie du non moins mythique « sois belle et tais-toi ». Heureusement pour nous, les filles, la série d’animation Shrek a osé ridiculiser le prince… Pas pour bien longtemps car qui résisterait à l’inénarrable Patrick Demsey dans Il était une fois ? Franchement, hein, les filles ? Personne, c’est évident. Pourtant, il faudra bien en sortir un jour, de cet énorme quiproquo qui rend tout le monde malheureux. Les filles parce qu’elles veulent l’impossible, les garçons parce qu’ils ne peuvent pas relever le défi ! On a bien arrêté de croire au Père Noël vers 6 ans. Le Prince Charmant, à côté, franchement, c’est de la roupie de sansonnet, non ? Bon, alors, histoire de nous remettre les pieds sur terre, faisons un peu le tour de l’imaginaire des petites filles et ados d’aujourd’hui et voyons comment elles l’imaginent, si elles l’imaginent encore !

Avant de leur donner plus loin la parole, avec un droit de réponse pour les garçons, penchons-nous sur leurs penchants. Le Prince Charmant du moment, c’est Edward Cullen de Twilight. Au début du roman et du film phénomènes, Isabella, Bella pour les intimes, tombe raide dingue de cet énigmatique jeune homme. Quand elle s’aperçoit qu’il est vampire, il est trop tard ! La pauvre, me direz-vous. Eh bien pas du tout, nos filles à nous, qui savent pertinemment qu’Edward est un danger public, en redemandent. Quand elles ne sont pas en âge d’aller admirer un suceur de sang sur grand écran, elles se réfugient derrière celui du petit écran de l’ordinateur familial où se cache peut-être, derrière Simon, 8 ans et heureux propriétaire du plus beau chien du monde, le pire des pervers déguisé en Prince Charmant virtuel.

En résumé, le Prince Charmant est bien plus moche qu’avant, il ne sauve plus personne, bien au contraire, mais nos filles y croient toujours, et ce malgré les quasi 120 000 divorces annuels en France. Que faire ? Peut-être reprendre l’éducation des garçons et des filles sérieusement en mains, si toutefois la nature n’est pas la seule responsable du plus beau mensonge interplanétaire… Qui a au moins le mérite de faire rêver !

A quoi sert le prince charmant? Les réponses de Claude Halmos

Psychanalyste et auteur de nombreux ouvrages, dont le très récent Grandir paru chez Fayard, Claude Halmos lève le voile sur le mythe du Prince Charmant.Côté Mômes : Est-il « naturel » de croire au Prince Charmant lorsque l’on est enfant ? Cet idéal masculin est-il au contraire une création stupide pour abêtir les filles et embêter les garçons ?
Claude Halmos : Ce qui est intéressant, c’est que les princes charmants et les princesses charmantes d’ailleurs, n’apparaissent pas à n’importe quel âge mais au moment où l’enfant découvre son image dans le miroir, étape qui commence assez tôt, vers 7 mois et se prolonge quelques années, plus ou moins longtemps selon les enfants.

Il va y avoir à partir de là un travail psychique qui doit être accompagné par les parents pour que l’enfant réussisse à comprendre la différence entre le corps ressenti de l’intérieur et son image froide dans un miroir. Cela va lui permettre de faire une découverte énorme : il est visible ! Avant ce stade-là, il ne le sait pas, aussi bizarre que cela puisse paraître. Cela introduit un grand chambardement, une fracture parce qu’en même temps il sent qu’il est un corps et il est aussi une image qu’il voit.

S’il essaie de saisir son être à travers l’image, il lui manque le corps et ses sensations ; s’il essaie de se saisir de lui-même, de se penser à travers le corps, il lui manque l’image. Jusqu’au stade du miroir, les dessins d’enfants représentent une image que l’enfant a de lui-même, dans sa tête, et qui a ceci de particulier qu’elle fait intervenir son corps mais dans sa relation à l’autre.

A partir du miroir, et là on arrive à notre sujet, apparaissent dans les dessins d’enfants les princesses très narcissiques avec les belles robes et, chez les garçons, tous les super héros. Au fond, on peut quand même dire que, pour une petite fille, le Prince charmant n’a de sens qu’à partir du moment où elle-même peut se rêver princesse charmante, qui est une image idéalisée d’elle-même qui la soutient. Le Prince charmant est donc le pendant de la princesse charmante. Le Prince charmant est celui qui est au service de la petite fille, c’est un adorateur de la beauté de la petite fille. C’est une histoire d’apparence rêvée.
CM : Faut-il dire aux petites filles que le Prince Charmant n’existe pas pour leur éviter les déceptions plus tard ?
CH : Bien sûr que non ! Il faut les laisser rêver. Tous les rêves sont permis, il faut juste à un moment donné comprendre qu’ils ne sont pas tous réalisables. Dans l’enfance, il ne faut surtout pas intervenir là-dessus. Après, avec de grandes adolescentes, c’est autre chose.

Quand elles commencent à discuter avec leurs parents de ce qu’est l’amour, quand elles parlent de leurs déceptions, il est important de les aider à relativiser l’idéal. Le Prince Charmant, c’est une chose dans la vie des petites filles et des petits garçons mais après, on risque d’avoir une image idéalisée du grand amour, sûrement accentuée par l’idée que ce sera le premier, que ce sera le seul, avec en toile de fond le poids d’une éducation judéo-chrétienne. Or, il faut expliquer aux jeunes filles que c’est drôlement important de ne pas se lancer à épouser quelqu’un sans avoir essayé de savoir comment on s’entendait sur tous les plans, y compris physiquement.

Il y a tellement de gens qui sont hyper malheureux parce qu’ils ont idéalisé une relation. Il ne s’agit pas de dire de façon un peu perverse q
ue le grand amour n’existe pas mais juste que c’est peut-être un peu plus compliqué qu’il n’y paraît, que l’amour se construit dans la durée, même quand il y a un coup de foudre au départ. Beaucoup de filles restent à l’âge adulte scotchées sur le Prince Charmant, sur les idéaux qu’il représente pour elles. Avec Internet, ce phénomène s’est accentué. Les femmes pensent que le Prince Charmant est derrière l’écran parce qu’Internet, c’est un peu magique alors que, pour les hommes, ce n’est ni plus ni moins qu’un cheptel de femmes où ils ont l’embarras du choix !
CM : C’est donc un terrible quiproquo ?
CH : Chacun est confronté à son problème narcissique. J’ai rencontré cela tellement souvent en thérapie ! Une fille de 15 ans qui se sent moche, grosse, tous ces complexes que l’on peut avoir à l’adolescence parce que l’on ne s’aime pas… Bref, cette fille s’imagine toujours que le garçon qui ne la regarde pas et dont elle voudrait bien qu’il la regarde, c’est parce qu’elle est moche. Elle pense que ce garçon la regarde avec les mêmes yeux avec lesquels elle se voit elle. Elle n’imagine pas une seconde que le malheureux garçon en question a peur soit des filles en général, soit d’elle en particulier et que, comme tous les garçons, il a peur de ne pas assurer. Et donc, cela crée de terribles malentendus !

Le Prince Charmant, ce sont les enfants qui en parlent le mieux !

« J’aime pas le Prince charmant parce que c’est pour les filles. D’abord, il existe pas et les filles elles y croient parce qu’elles sont bêtes ». Elliot, 8 ans

« Le Prince Charmant ? Celui qui nous épouse et qui s’en va un mois après ? C’est n’importe quoi ! » Margot, 13 ans

« C’est un truc de filles. D’abord, elles sont jamais contentes, alors c’est pas la peine de faire le Prince Charmant, ça marche pas non plus ! » Damien, 10 ans

« Le Prince Charmant, c’est papa » Chloé, 5 ans

« Moi quand j’étais petite, j’y croyais au Prince Charmant. Je me déguisais en princesse et j’attendais qu’il arrive sur son cheval en regardant par la fenêtre. Mais il est jamais venu. Alors maintenant, j’y crois plus » Anaïs, 7 ans

« Le Prince charmant, il est trop nul dans Shrek » Bastien, 7 ans

« Moi je l’aime pas, le Prince Charmant. Il est toujours blond et moi j’aime pas les blonds, je sais pas ce qu’elles ont les filles avec ça. Moi, mon amoureux, je voudrais trop que ce soit le Prince charmant, comme ça il m’épouserait, on partirait tous les deux et on n’irait plus à l’école » Salomé, 9 ans

« Le Prince charmant, il est blond et rigolo.» Agatha, 8 ans

A lire pour en finir avec le Prince Charmant

. Filles et garçons, la parité à petits pas de Carine Rouart aux éditions Actes Sud junior, dès 9 ans
. Une reine trop belle de Christine Lamiraud aux éditions talents hauts, éditeur qui privilégie les livres anti-sexistes où les garçons peuvent jouer à la cuisine et les filles à chasser le dragon !

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