Adoption : Un enfant à tout prix ?

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Le parcours du combattant des postulants à l’adoption n’est pas une nouveauté. Mais à l’heure où les magazines people s’émeuvent de la générosité de cœur des stars qui adoptent comme on va faire du shopping, l’adoptant de base, lui, rame plus que jamais. Faute de pouvoir adopter en France où l’on privilégie coûte que coûte le maintien des enfants dans leurs familles biologiques, le voilà pris dans un imbroglio international !  La création récente de l’Agence Française de l’Adoption, porteuse de bien des espoirs, semble ne pas avoir tenu ses promesses… Tendance que confirme l’épais rapport Colombani. Explications. En juin dernier, plusieurs centaines de personnes battaient le pavé devant l’Agence Française de l’Adoption, l’AFA, à Paris. Des adoptants, comme on les appelle, fatigués des lenteurs administratives et déçus des promesses non tenues d’un organisme pourtant censé permettre de doubler le nombre d’adoptions réalisées par des Français à l’étranger selon l’engagement pris en 2005 par Jean-Pierre Raffarin, alors Premier Ministre. Après l’immense espoir, c’est la désillusion, voire la colère, qui gagne. Les chiffres consignés dans le tout récent rapport Colombani parlent d’eux-mêmes : 3 162 enfants étrangers ont été adoptés en 2007 contre 3 977 en 2006, soit une baisse de 20,5%. Au total, depuis 2005, date de création de l’AFA, les adoptions internationales ont chuté de 24% alors que les demandes des familles ne cessent de progresser.

Pourquoi ? Yves Nicolin, député UMP, maire de Roanne, président de l’AFA et lui-même père de trois enfants adoptés en Russie confiait en août dernier à notre confrère Le Point qu’une telle chute n’était pas prévisible et qu’elle était due aux nouvelles règles imposées par de nombreux pays, à un contexte qui avait brutalement changé… « Nous ne sommes pas responsables », concluait-il. Jean-Marie Colombani, ex directeur du journal Le Monde et père de cinq enfants dont deux adoptifs, a été chargé par le président de la République, en novembre dernier, de rendre un état précis de la situation assorti de propositions. Pour lui, s’il est un fait incontestable que les pays d’origine ont accru subitement leurs exigences liées à la mise en place exponentielle de la Convention de la Haye, cela ne suffit pas à expliquer le retard français. « Le déclin n’est pas une fatalité. Il est possible d’augmenter le nombre d’adoptions en France, c’est une question d’organisation » déclarait-il le 19 mars dernier.

Alors, qu’est-ce qui ne va pas au juste dans cette organisation et pourquoi l’AFA, dont la création était tant attendue et légitime de l’avis de tous, semble-t-elle faire l’unanimité dans le constat d’échec de sa mission ? S’est-elle retrouvée dépassée par les demandes des candidats à l’adoption alors qu’elle ne pouvait que s’attendre à un raz de marée puisque tous l’attendaient comme le Messie ? Lui faut-il simplement un peu plus de temps pour s’organiser, temps qui justement paraît très long aux adoptants ?

Le diagnostic Colombani

A ces questions, le rapport Colombani répond indirectement avec un état des lieux précis et une longue série de propositions. Pour lui, la réforme de 2005 qui a créé l’Agence Française de l’Adoption a affaibli l’autorité centrale – comprenez le ministère des affaires étrangères et européennes – qui ne peut plus jouer son rôle de régulation et les OAA (Organismes Autorisés pour l’Adoption), qui n’ont pas bénéficié d’aide supplémentaire, se retrouvent en outre en concurrence avec l’AFA sur certains pays. De plus, l’AFA a affirmé que des quotas existaient sur certains pays tels la Chine ou le Vietnam… D’après le rapport Colombani, l’AFA s’est elle-même imposé ces quotas… Un comble !
En cause aussi, la trop faible mobilisation du réseau diplomatique français et l’absence de « fonds de coopération » qui pourraient soutenir une action humanitaire parallèlement à la demande d’adoption, comme le font certains pays. Dans le collimateur enfin, la question des agréments. La procédure est jugée trop lourde et traumatisante pour les familles : même si la nouvelle loi a imposé le même formulaire d’agrément sur tout le territoire, il y a autant de façons de faire que de départements et certains vont bien au-delà des 4 entretiens prescrits.

Pour autant, la procédure est jugée peu sélective – 10% seulement des dossiers sont refusés -, ce qui n’est pas fait pour rassurer les pays d’origine et déçoit au final des candidats qui ont réussi l’examen de passage à la parentalité… mais ne voient jamais confier un enfant ! Plus de 8 000 familles par an reçoivent leur agrément pour moins de 4 000 adoptions ! Enfin, le rapport Colombani regrette que l’adoption nationale reste marginale car on privilégie encore la famille biologique, parfois au détriment de l’intérêt de l’enfant. Parmi les propositions de l’ex-directeur du Monde, un plan d’action gouvernementale de 2 ans pour « remettre chacun dans son rôle » avec une autorité centrale  chargée de coordonner l’implantation de l’AFA et des OAA et de gérer un fonds de coopération qui appuie les demandes d’adoption quand les pays le souhaitent.
Il suggère aussi une nouvelle procédure d’agrément avec une préparation collective des familles candidates avant leur évaluation individuelle et l’instauration d’un écart d’âge maximal de 45 ans entre l’enfant et le plus jeune du couple adoptant car de nombreux pays sont exigeants sur ce point. A l’issue des deux ans, une loi généraliserait le dispositif si les expérimentations s’avéraient concluantes et une agence pour l’adoption reprendrait les missions de l’AFA ainsi que l’adoption nationale. A suivre… En espérant que ce rapport ne finisse pas aux oubliettes comme d’autres qui l’ont précédé.

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