Quand école rime avec ennui

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Ce n’est pas nouveau, les enfants s’ennuient à l’école. Et si c’est un cas général, il semble encore plus aigu dans les écoles françaises. Pourquoi ? Quand on parle d’école, on ne parle pas de plaisir. Mais plutôt d’ennui. Seule la maternelle reste encore une sorte d’air de jeux, où les enfants peuvent apprendre tout en s’amusant. Mais dès l’école primaire c’est une toute autre histoire ! Les notions de plaisir et de désir d’apprendre ne sont pas au programme scolaire.

L’ennui au programme

Il est très difficile d’expliquer pourquoi les élèves s’ennuient en classe, et quelle est la cause de cet ennui chronique. Mais le principal problème pour un élève, c’est qu’il se pose bien trop souvent la question : « pourquoi m’apprend-t-on ça ? » En 2010, 73,3% des 760 enfants interrogés par l’Association de la fondation étudiante pour la ville (AFEV) affirmaient « aimer peu, voire pas du tout aller à l’école ou au collège ». 23,7% s’y ennuient souvent, voire tout le temps. Pire, 52,8% reconnaissaient y avoir subi des violences, et seulement 9,6% confessaient s’y sentir à l’aise. En 2011, 42% des 600 familles interrogées se sont dites inquiètes de la réussite scolaire de leurs enfants. Or il paraît déterminant que les élèves apprécient ce qu’ils apprennent, comme pour tout, si on ne prend pas plaisir à s’atteler à la tâche, c’est l’ennui assuré.

Comment rivaliser avec Internet et la télévision ?

Comment l’école pourrait rivaliser avec Internet et la télévision ? Ne pas aller en cours pour s’amuser, c’est aussi se dire qu’il y a d’autres choses plus intéressantes et divertissantes. Il est difficile aujourd’hui pour l’école et ses enseignants de rivaliser avec le plaisir que procure la télévision ou Internet, ou autre écran et jeu. Les enfants passent la journée à ne penser qu’à une chose : rentrer à la maison pour aller sur l’ordinateur ou devant la télé, et la concentration n’est pas là. Certaines écoles ont trouvé la parade, de plus en plus s’équipent de matériels informatiques. Ainsi, le tableau devient un écran tactile géant qui donne une toute autre dimension aux cours. A terme les écoles seront toutes équipées de cette technologie. Il est donc possible que dans un futur proche, les élèves seront plus captivés et s’ennuieront moins à l’école.

A l’étranger

L’enseignement anglais se base sur le jeu et sur l’amusement pour intéresser l’enfant. L’école anglaise met en avant une fonction sociale. Les petits Anglais vont à l’école pour s’amuser. En fait l’école s’adepte à l’évolution de l’enfant et non l’inverse. En Norvège, le bien-être de l’élève est inscrit dans les politiques scolaires. Il n’a pas de notes jusqu’à la fin du collège. Malgré l’absence de tension, les élèves rencontrent l’ennui, au point que le pays réfléchit à la possible remise en cause de l’absence de notes, finalement créatrices d’émulation. En Inde, les élèves sont soumis à un très important stress des examens : il semble être si fort qu’il gâche le plaisir d’apprendre. Au Sénégal par exemple, l’obtention d’un diplôme est une grande fête. Le savoir est vénéré, et la société met beaucoup d’espoir dans l’école. L’image que la société a des enseignants, la confiance qu’elle met en eux rejaillit au quotidien dans l’ambiance de la classe.

Créer du plaisir à l’école

La très sérieuse Revue internationale de Sèvres, spécialiste de l’éducation, s’est intéressée à ce sujet sensible, et publie un dossier approfondi avec l’intervention d’une quinzaine de chercheurs et enseignants d’une dizaine de pays, « Plaisir et ennui à l’école ». Entre autres exposés on y trouve la notion de « relier les études à la vie ». En d’autres termes, savoir pourquoi on étudie et à quoi cela va servir dans l’avenir. Et c’est un problème particulièrement au moment du collège. « Les collégiens s’ennuient de plus en plus », confirme Pierre Frackowiak, inspecteur honoraire de l’éducation nationale. « Ils ne comprennent pas le sens des apprentissages, ne parviennent pas à mettre en relation les savoirs scolaires avec ceux qu’ils acquièrent ailleurs, autrement, ils viennent consommer du cours… Toutes les conditions sont réunies pour détruire le plaisir d’apprendre », déplore-t-il.

Faire aimer la littérature

Anne Maurel, professeur de lettres en Khâgne a enseigné de nombreuses années en ZEP. Dans l’article « Faire connaître et aimer la littérature en classe », elle explique comment elle enseigne et rend attractifs les textes les plus ingrats pour les élèves. Sa méthode, lire à haute voix, avec sa sensibilité et sa personnalité pour les rendre vivants et proches des élèves. C’est toute l’importance de la nécessité de donner du sens à ce que l’on apprend, c’est-à-dire savoir pourquoi on apprend. La littérature, les exercices, la lecture, paraissent trop formels aux élèves. Leur donner cours à haute voix rend l’exercice beaucoup plus vivant et permet aux élèves de retenir plus de ce qu’on leur enseigne. Mais encore faut-il prendre le temps de le faire. Les programmes sont serrés, les professeurs n’ont pas toujours le temps de faire ce qu’ils veulent. « Les résultats de PISA 2009 ont montré que ceux qui prennent du plaisir à lire, et qui sont motivés, sont aussi ceux qui s’en sortent mieux aux épreuves de compréhension de l’écrit, explique-t-il. Dommage que la peur d’échouer fasse perdre une partie du bénéfice engendré ! »

Evaluation et redoublement : trop d’échecs

Bien sûr, prendre du plaisir à étudier n’est pas un gage de réussite. Même si, s’intéresser à une matière améliore les chances de bien la maîtriser. Mais nos élèves font aussi face à un système qui ne les aide pas toujours. Le système d’évaluation et celui du redoublement qui créent une anxiété vis-à-vis de l’école qui aboutie souvent à un échec. Et la France est la championne du monde du redoublement. Un élève sur deux redouble dans sa scolarité. Et pourtant cette méthode est reconnue inefficace, à cause du nombre d’échecs scolaires qu’elle engendre. Le redoublement passe désormais pour une tradition culturelle dépassée qui créée des inégalités, et pénalise les enfants. Un redoublant se retrouve avec des camarades plus jeunes que lui, il prend son redoublement pour un échec personnel, et ne se motive pas pour passer la classe supérieure. Alors faut-il supprimer le redoublement ? Les candidats à l’élection présidentielle se sont déjà emparés du sujet, à suivre.

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