Familles recomposées, je vous hais-me

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La famille recomposée est aujourd’hui devenue monnaie courante. L’enjeu pour les parents qui se remarient est de faire en sorte que leurs enfants soient protégés au maximum, mais ce n’est pas toujours si simple. Belle-mère, beau-père, demi-frère, demi-sœur, tous doivent cohabiter. Comment élever un enfant qui n’est pas le sien ? Comment apprendre à vivre en famille recomposée ? Bien sûr, chaque famille est unique et chaque cas est particulier, entre histoire d’amour et histoire de haine.

Composer avec la recomposition

Selon les chiffres de l’Institut national de la statistique (Insee), 1,2 million d’enfants vivent en famille recomposée. La recomposition se fait en plusieurs étapes déterminantes. Difficulté première après avoir surmonté le deuil de son ex couple. D’abord au sein du couple, il faut déjà commencer par se reconstruire une vie amoureuse. Une relation assez solide pour faire tenir toute une famille. La deuxième difficulté, c’est de réunir deux familles qui ont un fort passif. Et surtout guider les enfants dans cette épreuve qui va bouleverser leur vie. L’enfant doit d’abord comprendre que la séparation de ses parents n’est pas sa faute.

Les raisons du clash

Elever les enfants de quelqu’un d’autre avec sa propre éducation, alors qu’ils ont déjà un vécu et une personnalité à eux. Une position délicate pour le beau-parent, entre ne pas rentrer dans la vie intime des enfants et avoir une place dans leur vie et leur éducation. Il arrive aussi que le parent soit pris en tenaille entre ses enfants, qui ne veulent pas de cette vie qu’on leur impose, et le conjoint avec qui on veut s’installer. La peur que cette nouvelle personne extérieure prenne toute la place dans le cœur du parent. Par réflexe, il cherche à réunir ses parents pour ne pas les perdre. Les raisons varient en fonction de l’âge des enfants. Un adolescent ne réagira pas de la même façon qu’un enfant de 6 ans. La première difficulté de l’enfant, outre la séparation de ses deux parents, c’est le fait d’habiter dans deux endroits différents, et de se retrouver finalement au milieu de cette séparation. Les parents auront beau tout faire pour le préserver, malgré tout, son implication est indéniable.

Il n’y a pas de famille idéale

Parfois ça passe. Tout le monde s’entend plutôt bien, pas de conflits majeurs entre les enfants et les parents, une cohabitation en ordre. Des fois une famille recomposée ressemble à une famille nombreuse tout à fait heureuse et harmonieuse. Pour d’autres c’est le chaos total. Mais dans tous les cas, la famille idéale n’existe pas. Chacun a sa propre personnalité et son propre vécu, et au moment d’un regroupement familial toutes ses différences s’entrechoquent. Toute la complexité reste alors de s’accorder sur un système de vie en commun. Mais il ne faut pas être tenté d’en faire trop, c’est souvent ce qui se passe. Même s’il pense bien faire, ils envahissent vite l’enfant de l’autre qui va se sentir oppressé par quelqu’un de maladroit. Il ne faut pas vouloir à tout prix l’amour de l’enfant, même si on le souhaite de tout son cœur, ce n’est pas forcément le souhait de l’enfant. Et il ne doit pas se sentir obligé d’avoir des sentiments pour son beau-père ou sa belle-mère.

Le point de vue de l’experte

Agnès de Viaris est psychologue spécialisée dans les problématiques familiales. Elle a longtemps exercé en entreprise et pour SOS psychologue. Elle sort son deuxième livre sur les familles recomposées.

Côté mômes – Pourquoi s’interroger sur les familles recomposées ? Sont-elles la majorité de vos patients ?


Agnès de Viaris – Ce qui m’a le plus intéressé c’est que j’ai été femme, mère, ex-femme, et belle-mère. Le fait d’avoir eu cet échantillon de vies, ça m’a permis de me rendre compte qu’on peut avoir des perceptions très différentes. Au début, je faisais aussi des tests de personnalités pour les enfants, et puis je faisais aussi des choses par SOS psychologue qui m’envoyait des patients qui avaient des problématiques générales. Aujourd’hui je ne reçois pas que des familles recomposées. Ca m’arrive aussi de voir les enfants.

CM – Pourquoi avoir écrit un deuxième livre sur le sujet ?


ADV – Ce livre s’est fait en plusieurs années. J’avais envie de sortir des sentiers battus de ce qu’on entend sur les familles recomposées. Le côté marâtre, la belle-mère méchante, etc. J’avais envie d’en parler autrement. Je pense que de l’extérieur, elles sont perçues autrement que comme elles se vivent à l’intérieur. Il y a un clivage entre les deux mondes. La recomposition ça veut dire qu’il y a eu séparation. Et s’il y a séparation ça renvoie à l’image du deuil, de l’absence, de la mort, de la perte, de l’abandon, de la trahison, donc ça renvoie à de la souffrance. Ce livre essaie de dire que tout ça est normal et humain, ce sont des cheminements qu’il ne faut pas rejeter. Par contre, après qu’est-ce qu’on en fait ? A priori, il y a plus de travail à faire qu’en famille classique. Mais dans une famille recomposée ça ne peut fonctionner si on n’y met pas du sien. Tout est une question de confrontation à l’autre. Il faut apprendre à accepter l’autre, et avoir de l’empathie. C’est une école de vie. Dans une famille recomposée tout le monde est confronté à quelque chose de difficile à vivre. Au départ personne n’est prêt. Les règles éducatives ne sont pas les mêmes. On est dans des mondes indépendants qui se confrontent sous le même toit. Les enfants vont se retrouver face à l’être humain qu’est le parent.

CM – Comment travaillez-vous avec eux ?


ADV – Je vois d’abord les parents ensemble, il m’arrive de voir assez souvent mais pas systématiquement de voir les enfants après. J’ai tendance à avoir une clientèle qui fonctionne de manière plus ponctuelle, ce n’est pas de la psychothérapie qui s’installe dans la durée. J’essaie d’établir une dizaine de séances maximum. Parfois ça ne va pas aussi loin. Parfois le couple ne va pas bien, n’est pas assez fort, et c’est lui qui est remis en cause, et là c’est un autre sujet. Très souvent la famille recomposée réveille tout, elle met tout à plat.

CM – Comment s’en sortir pour recomposer une famille et comment élever un enfant qui n’est pas le sien ?


ADV – Tout dépend de l’âge. On doit essayer de mettre le plus d’humanité possible. En dehors d’une relation de parents à enfants, tout autre relation (couple, amis), on est toujours confronté à l’autre dans sa différence et encore plus dans la durée. Vous aimez le conjoint, donc les enfants vous avez envi de les aimer parce que ce sont les siens, mais en même temps vous ne savez rien d’eux et ce sont des étrangers. Et c’est là qu’intervient la notion d’intimité, qui évidemment met l’un en face de l’autre, alors là on se confronte. Donc on apprend. Faire connaissance avec l’histoire de l’autre et qu’il fasse connaissance avec votre histoire. Il ne faut pas oublier la réciprocité. L’expérience de l’intégration à l’échelle familiale. Chacun doit avancer doucement vers l’autre. Ne pas en faire trop, lui laisser son rythme.

CM – Les familles s’en sortent dans la majorité des cas ?


ADV – Quand on parle de la famille recomposée, on est dans le jugement. Réussite/échec/bien/pas bien. Dans les familles classiques, une phase d’adolescence et une naissance est un changement et un bouleversement. Dans les familles recomposées ont créé du changement. Mais qu’est-ce qu’il en sort de ce changement ? Pour moi il y a deux phases, la recomposition, c’est-à-dire la phase qui regroupe l’adolescence, toutes les périodes de changement où l’on confronte les histoires de vie, et après il y a la famille recomposée. On n’est pas d’emblée une famille recomposée.

CM – Quelles différences constatez-vous entre le beau-père et la belle-mère ?


ADV – Souvent l’image de l’homme c’est celle de l’autorité dans le foyer, qu’il soit père ou beau-père. Le masculin c’est celui qui est tourné vers l’extérieur vers la vie, qui veut couper le cordon. C’est le cœur du foyer. La mère ou la belle-mère elle est celle qui fait tourner le foyer. C’est son instinct maternel. Mais ce qui prime c’est la responsabilité de l’adulte, parent ou beau-parent. Tous traversent la crise, mais les adultes ont la responsabilité d’aider les enfants qui sont sous leur toit. Il y a également une notion d’autonomie. Le rôle des parents c’est d’amener les enfants à devenir des adultes autonomes.

CM – Quelles sont les conséquences sur les enfants ?


ADV – Quand des parents se séparent, l’enfant va se retrouver entre deux mondes indépendants. Assez rapidement il va faire la part des choses, c’est-à-dire que quand il sera chez l’un, il ne parlera pas de l’autre. Et c’est important que les parents l’aident à renforcer cette autonomie pour qu’elle soit positive et constructive. Qu’elle se construise avec une sécurité intérieure. Etre c’est aider son enfant à avoir confiance en lui, à croire en lui.

CM – D’où viennent les témoignages que vous avez recueilli ?


ADV – Ce sont des témoignages de patients, d’amis, de connaissances, de forums, de tout.

CM – Une expérience marquante ?


ADV – Oui une que j’ai trouvé formidable. Un des personnages que vous retrouverez dans le livre. Un homme, un kinésithérapeute qui m’a raconté son histoire de vie. C’est un enfant de la recomposition, c’est-à-dire qu’il est né au milieu de tout ça, ses deux parents avaient des enfants de chaque côté. Pour lui, les familles recomposées c’est un problème ? Il ne comprend pas la question. Lui, il a vécu des grandes tablées, des enfants partout. Il n’avait, génétiquement, que des demi-frères et sœurs, mais pour ça n’a pas de sens. Très souvent, je me suis dit, le pas avec l’adoption n’est pas loin.

Familles recomposées – Guide de premiers secours pour une vie harmonieuse, par Agnès de Viaris, aux éditions Les Carnets de l’info, 13,90€

« L’Art de vivre en famille(s) »

Famille traditionnelle, famille recomposée, famille monoparentale, toutes, si différentes soient-elles, ont une seule aspiration : être heureux ensemble. C’est le thème choisi par Chantal et Antoine d’Audiffret, spécialistes du couple et de la famille.

Leur livre est une sorte de guide ludique et bien écrit pour mieux vivre en famille. Il est assorti de témoignages, de statistiques, de conseils, et de belles illustrations par Rémy Tornior. Onze chapitres dans lesquels des sujets comme : la responsabilité éducative, la transmission des valeurs et ses modalités, la notion de parentalité, le coût de l’enfant, ou encore le dialogue dans la famille.

En librairie depuis le 15 septembre 2011.

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