Orthodontie : n'en fait-on pas trop?

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En France, 600 000 enfants et adolescents, soit 1 enfant scolarisé sur 10, sont soignés en orthodontie. Effet de mode ou réel progrès scientifique ? Le point sur cette spécialité en pleine croissance qui entend prendre soin du sourire et de la santé de nos enfants.

L’orthodontie, c’est quoi exactement ?

Tiré du grec « ortho » qui signifie droit et « odontos » qui veut dire dent, l’orthodontie vise à la correction des malpositions dentaires et à l’établissement d’un contact inter dentaire optimal. Elle s’applique aussi bien à rétablir l’esthétique – en clair à « fabriquer » le plus beau sourire qui soit – qu’à corriger des fonctions aussi diverses que la respiration, la mastication ou l’élocution. Elle s’inscrit donc dans une prise en charge globale car, bien pratiquée, elle doit prendre en compte des facteurs fonctionnels et esthétiques. Cette spécialité étant mieux remboursée qu’avant et bénéficiant de progrès scientifiques qui rendent les traitements plus légers et donc plus faciles à supporter, on a vu fleurir d’appareils dans beaucoup de jeunes mâchoires.

Nos enfants ont-ils tous besoin de se faire passer la bague… aux dents ?

On peut donc légitimement se demander si c’est toujours nécessaire ou s’il n’est pas simplement de bon ton ou à la mode de redresser la moindre dent de travers. Un débat qui ne date pas d’hier mais reste largement ouvert, surtout lorsque l’on est parent et que l’on se demande à qui confier les dents de sa progéniture. Car, comme dans toute spécialité, il y a orthodontiste et orthodontiste, et ils ne sont pas toujours d’accord sur la façon de pratiquer leur art. Pour preuve, le coup de gueule d’Estelle Vereeck, docteur en chirurgie dentaire et auteur de nombreux ouvrages dont « Orthodontie, halte au massacre » paru en 2005 (voir encadré). Du côté de la défense, nous avons rencontré le Docteur Mike Lahmi, orthodontiste à Boulogne Billancourt et responsable du service d’orthodontie de l’Hôpital Américain, qui nous explique pourquoi il n’y a pas de raison scientifique d’avoir une dent contre l’orthodontie.
Côté Mômes : On a l’impression qu’aujourd’hui aucun préadolescent n’échappe à l’appareil orthodontique. Ont-ils tous vraiment besoin d’un traitement ou sont-ils victimes d’un effet de mode ? 

Docteur Mike Lahmi
 : Il y a 50 ans, les soucis étaient les mêmes mais l’orthodontie s’est beaucoup démocratisée. Il y a encore 20 ans, on ne traitait que les cas graves car le coût était élevé et les remboursements insuffisants, notamment du côté des mutuelles. D’autre part, il y avait peu d’orthodontistes, les méthodes mises en œuvre étaient lourdes, les traitements souvent longs et douloureux pour des résultats parfois décevants. Aujourd’hui, la mise en œuvre d’un traitement orthodontique est beaucoup plus facile et les résultats sont là. Poser un appareillage n’est pas un acte complexe et ne fait pas mal à l’enfant. Avec un bon système de colle et une hygiène rigoureuse, il n’existe pas de tâches sur les dents (les colles actuelles libèrent du fluor). Les traitements sont également souvent beaucoup plus courts (entre 1 an et 2 ans et demi). Le phénomène s’est donc beaucoup démocratisé, notamment pour les enfants. Du coup, même traiter des cas « légers » est intéressant. Et puis, il y a, c’est vrai, une exigence esthétique plus importante des patients. En terme de pourcentage, il y a environ 60% des enfants qui ont besoin d’un traitement, et sur ces 60%, il y en a plus de la moitié qui n’y ont pas accès, surtout pour des raisons financières. On est donc loin de l’abus de traitement.

CM : A partir de quel âge ou en fonction de quels signes visibles doit-on consulter un orthodontiste ?

ML : D’une manière systématique, il est souhaitable de faire une première consultation vers l’âge de 7-8 ans. Il est très rare que l’on intervienne à cet âge, mais cela permet de faire un premier bilan. Lorsqu’il est nécessaire d’intervenir, nous le faisons, dans 8 cas sur 10, vers l’âge de 12 ans. Dans des cas bien définis, lorsque l’on a un décalage important au niveau des mâchoires (dents du haut trop en avant), il est alors souhaitable d’intervenir vers l’âge de 8 ans. Il est également nécessaire d’effectuer une radiographie pour contrôler l’évolution des dents et ne pas passer à côté du dépistage d’une anomalie sévère. Parfois, les dents sont de travers, mais il faut attendre l’évolution de l’ensemble des dents définitives pour traiter ces cas.

CM : Qu’est-ce qu’un « bon » orthodontiste ? Comment les parents peuvent-ils être fixés sur son niveau de compétence ?

ML : En France, il existe une spécialité, on ne s’improvise pas orthodontiste. Les orthodontistes sont des chirurgiens dentistes qui ont fait en plus une spécialité en orthopédie dento-faciale. Ils ont au total une dizaine d’années d’études derrière eux. La réputation d’un orthodontiste fonctionne beaucoup de bouche à oreille, nous sommes en général jugés sur les résultats. Il est important qu’un dialogue s’établisse et qu’un maximum d’explications soient données aux parents dès le premier rendez-vous. Une confiance mutuelle doit s’installer.

CM : Au terme du traitement, l’enfant sera-t-il tranquille à vie ?

ML : A la fin de ce traitement, il y ce que l’on appelle une période de contention, où l’on va stabiliser le résultat obtenu à l’aide, soit d’appareil amovible, soit de fils collés sur la face interne des dents. Cette période dure 1 à 2 ans. Ensuite, il est souhaitable de faire des visites tous les 3-4 ans, jusqu’à l’âge de 20 ans, et de surveiller l’évolution des dents de sagesse.

CM : Quels problèmes de santé des dents mal alignées ou des mâchoires « décalées » peuvent-elles entraîner pour la vie d’adulte ?

ML : Essentiellement, nous aurons des problèmes parodontaux ou des problèmes articulaires. Ainsi, une dent mal positionnée risque de se déchausser avec le temps. C’est un peu comme un clou mal planté, s’il est de travers lorsque nous tapons dessus, il va peu à peu se mobiliser. Il est possible aussi d’avoir davantage de caries, compte tenu de la difficulté d’accès au brossage de certaines zones. On peut aussi avoir des problèmes digestifs dans des cas extrêmes, car on ne va pas mâcher correctement et donc on va « gober » l’alimentation. Par ailleurs, nous devons également parler des répercutions psychologiques à plus ou mo
ins long terme, avec un patient qui n’osera pas sourire ou parler à cause de ses dents mal alignées.

Haro sur la mauvaise pratique de l’orthodontie !
Dans un ouvrage intitulé « Orthodontie, halte au massacre » publié en 2005 aux éditions Luigi Castelli, Estelle Vereeck, chirurgien dentiste et auteure de nombreux autres ouvrages dont le « Dictionnaire du langage des dents‘ s’élève non pas contre l’orthodontie mais contre la manière dont certains la pratiquent. Un ouvrage édifiant sur les excès d’une profession mais pas rassurant pour autant quant à la marche à suivre pour éviter de tomber sur un mauvais praticien. Question frisson, en revanche, le pari est réussi!  

1 COMMENTAIRE

  1. Il est vrai qu’il y a encore 20 ans, les appareils dentaires étaient extrêmement coûteux, et pouvaient poser de grands problèmes aux familles modestes (vécu en prime). Je pense toutefois que faire voir un orthodontiste à son enfant peut être considéré comme une simple mesure préventive. Si rien de préoccupant ne se manifeste, tant mieux !

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