Rencontre avec Timothée de Fombelle

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Traduit dans 19 langues un an après sa sortie, récompensé par de nombreux prix littéraires dans sa catégorie, parfois même adopté par des enseignants comme « manuel de classe », Tobie Lolness est un phénomène planétaire, sans sorcières ni créatures surnaturelles. Un arbre, des personnages d’un millimètre et demi… Il n’en faut pas plus à Timothée de Fombelle pour nous embarquer sur sa planète, tellement sienne, tellement nôtre aussi, et qui compte aujourd’hui plus de 55 000 lecteurs qui se reproduisent comme des fourmis !
Quand l’auteur de Tobie Lolness rencontre ses jeunes lecteurs, ça donne une classe entière suspendue à ses lèvres, des yeux écarquillés et des mouches qui volent !

Les enfants : Comment avez-vous eu l’idée de cette histoire ?

Timothée de Fombelle : Pour moi, ça commence en CM1, en CM2 peut-être. Je suis assis, je vois des arbres, et j’imagine tout d’un coup qu’il y a un peuple qui vit dans cet arbre. Et je me dis que cet arbre ressemble à une planète, avec des régions différentes, avec des parties au soleil, là-haut, avec des parties à l’ombre. Je pensais qu’elle n’intéressait que moi, cette histoire. Et petit à petit, cette histoire a grandi. Les histoires, c’est comme ça : soit on les oublie, soit elles grandissent. Et un jour, je me suis dit : « je vais l’écrire ». Cette histoire est née comme ça. C’est un rêve d’enfant qui se réalise. C’est pour ça que c’est un vrai bonheur d’arriver comme ça dans une classe, ce livre a poussé comme un arbre et il fait des petits. Quand je vois les piles du deuxième tome dans les librairies, ça m’impressionne que tout ça vienne juste de mon imagination.
Pourquoi avoir choisi une histoire avec des petits hommes ?

Je voulais que ça se passe dans un arbre et que ça puisse être l’arbre, là, au fond de la cour ou dans le jardin, pas un arbre immense. Et pour qu’on puisse voyager dans cet arbre, il fallait que ma population soit minuscule. Ca fait des centaines d’années qu’il y a des gens qui inventent des histoires avec des petits peuples comme ça. Je voulais aussi me mettre dans la situation de la fragilité. Quand on est tout petit comme ça dans un monde aussi grand qu’un arbre, tout devient un danger. Et, pour moi, quand on est un enfant, on est aussi quelque chose de fragile. On ressent ça quand on est tout petit et qu’on se retrouve dans un marché ou dans une fête familiale, qu’on se fait bousculer par tout le monde… Et, en même temps, on voit tout. Alors, quand on mesure un millimètre et demie, comme Tobie, ça devient la très grande aventure. Une fourmi, c’est pire qu’un dragon, une attaque de moustiques, c’est pire que l’attaque de 25 avions de chasse.
D’où vient cette imagination débordante ?

J’aimerais bien vous dire qu’elle me tombe dessus comme une pluie d’imagination, que je n’ai rien à faire, que je reste là, comme ça. Mais l’imagination, c’est pas exactement ça, c’est un peu un voyage. Il faut se mettre en route dans son esprit et chercher. Donc, ça vient à la fois de ce que j’ai vécu… Le personnage de Tobie me ressemble beaucoup même si je n’ai jamais été poursuivi. Il y a quand même des petites choses qui ressemblent à la vie de ma famille, à celle de mon grand-père qui a été prisonnier en Allemagne pendant la seconde guerre mondiale et qui passait sa vie à essayer de s’évader. Il me raconte tout ça. Dans le deuxième tome d’ailleurs, il y a au moins 15 évasions. Et je suis sûr que c’est parce que mon grand-père me raconte depuis tout petit qu’il faut s’évader. L’imagination, voilà, c’est du vécu et puis c’est de la recherche, c’est travailler.

Pourquoi avoir choisi une histoire triste ?

Alors, c’est vrai, c’est une histoire triste parce que le pauvre Tobie, il avait tout pour être heureux et tout d’un coup, tout s’effondre, il se retrouve avec tout le malheur du monde, poursuivi, sa famille emprisonnée, c’est terrible. Mais je ne voulais pas écrire un livre triste. Je voulais que l’énergie de cet enfant, ce soit de retrouver ce bonheur de l’enfance. Et je pense que ça, c’est un peu le combat de toute la vie. Vous allez voir, en grandissant, il y a plein de moments où vous essaierez de retrouver le bonheur de la cour de récréation. Donc, pour moi, il y a quand même du bonheur, il est dans l’objectif de Tobie de retrouver sa famille, de retrouver ses parents qui viennent le voir quand il a des cauchemars la nuit. Et c’est pour ça aussi que la construction du livre est un peu compliquée, on revient dans le passé… Je voulais aussi que l’on ait comme des bulles de bonheur qui apparaissent de temps en temps pour montrer que Tobie, comme nous tous, marche au bonheur comme une voiture marche à l’essence.Pourquoi ce titre ? D’où viennent les noms du roman ?

Je voulais un nom court, d’abord, parce qu’il revient souvent ! Tobie, ça sonne et puis ça commence comme Timothée… Et je voulais mettre dans ce personnage des choses qui comptent pour moi. Lolness, c’est plein de souvenirs. Quand j’étais au collège, je suis parti au bord du Lock Ness en Ecosse et la légende de ce montre m’a beaucoup marquée. Et puis les autres noms, c’est venu comme ça. J’adore inventer des noms ou les piquer aux gens ou aux lieux que je croise. Clarac, par exemple, c’est le nom d’un village des Pyrénes, Elisha, c’est un prénom biblique, c’était la petite fille ou le petit fils de Noé. J’ai toujours un petit carnet sur moi, et je note dès que je croise un nom qui me plaît !Y a-t-il des sociétés que vous détestez ou que vous aimez ?

Déjà, dans Tobie, il y a des personnages que je déteste ou que j’adore et on le voit très bien. Dans ce livre, je suis aussi assez critique avec tous les moments un peu autoritaires de l’histoire, avec tous les personnages qui séduisent par une poignée de mains pour mieux assouvir les autres… A ce titre, la période de 39-45 me fascine, je prépare d’ailleurs un livre autour de ça que vous lirez peut-être dans 4 ans… Et puis, je suis très touché aussi par les guerres entre les gens d’un même peuple, comme au Rwanda par exemple. Heureusement, même quand il y a une dictature, on n’arrivera jamais à emprisonner l’esprit, à détruire l’amitié, l’amour. Il faut continuer à essayer de faire gagner la liberté.Si un enfant de mon âge voulait être écrivain, quel conseil lui donnerais-tu ?

Je crois que je lui en donnerais deux : tout d’abord se faire confiance, ne pas penser au regard des autres et raconter l’histoire qui compte pour lui sans se soucier de savoir si cette histoire plaira. Le second serait de faire lire ses écrits, à un moment, à une ou deux personnes de confiance qui auront un regard critique. Parce qu’écrire, c’est aussi montrer. Moi, je viens du théâtre et la règle du théâtr
e, c’est que ça ne se fait pas tout seul. Il faut prendre le risque d’avoir un public, quitte à s’exposer aux ricanements et aux critiques.

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