Développement de l'enfant : Tout est-il joué avant 6 ans ?

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Education : comment savoir si l’on a bien ou mal fait ?

Il n’y a pas, hélas, de réponse toute faite à cette question. Entre les convaincus des vertus d’une éducation bien menée et ceux qui affirment que les enfants arrivent sur cette terre avec une nature que l’on pourra difficilement façonner, la bataille fait toujours rage. Ajoutez à cela, au-delà de la relation parents-enfants, l’influence de l’environnement, du milieu dans lequel l’enfant évolue, sans oublier les accidents de parcours qu’il peut rencontrer – divorce, deuil, etc. – et ses six premières années, à l’image de la vie, ne seront pas forcément un long fleuve tranquille avec tous les jalons posés à la bonne place.
Quant aux recherches sur le fonctionnement du cerveau, elles n’en sont encore qu’à leurs balbutiements même les dernières en date semblent révéler que tous les espoirs sont permis. En 2002, John T. Bauer, spécialiste de l’éducation, sortait un ouvrage baptisé Tout est-il joué avant 3 ans ? où il remettait en cause l’idée très répandue selon laquelle les trois premières années de la vie  constituent le seul moment où les acquisitions peuvent s’effectuer.
Si cela est avéré pour certaines fonctions comme le langage, « il est hautement improbable que l’acquisition de compétences culturelles, du type de celles que l’on apprend à l’école dépende de créneaux propices limités dans le temps ». Et d’ajouter que « nous sommes capables de maîtriser de nouvelles compétences et d’étendre notre gamme de comportements tout au long de notre vie ». Voilà qui nous rassure !

 Claude Halmos : « Il n’est jamais trop tard mais… »
« Il n’est jamais trop tard pour redresser la barre. Ce qu’il y a de bien quand même chez l’humain, c’est que ce que des mots ont fait, d’autres mots peuvent le défaire. Mais il est clair néanmoins qu’à l’adolescence, on recueille ce que l’on a semé dans l’enfance. Il est déjà difficile de redresser la barre pour des enfants de 7-8 ans qui sont restés sans limites. Et c’est encore plus dur à l’adolescence parce que là, il y a cette période normale où l’on envoie paître toutes les règles et qui fait partie de cette nouvelle mise au monde que constitue l’adolescence. Si les repères étaient branlants avant, c’est compliqué. La crise d’adolescence, si elle bouleverse un peu tout le monde autour, est un signe de bonne santé… Celles qui tournent mal sont celles où l’enfant n’a pas été éduqué au départ. L’adolescent a besoin de faire des expériences dangereuses pour se prouver que sa vie lui appartient. Il n’empêche que s’il a eu une éducation, une conscience du danger, si on lui a dit qu’on ne mettait pas les autres en danger, soi-même non plus, il y a une limite quelque part, c’est un monde avec des repères solides, des balises qui tiennent parce qu’elles sont plantées depuis la plus tendre enfance. »

Bonne éducation : l’école juge et partie

Toujours est-il que l’école, elle, évalue dès le plus jeune âge nos chances de réussite. Un rapport de l’INSEE de 2006 faisait le triste constat que les écarts de connaissances des enfants qui entrent au CP étaient déjà très marqués par leur milieu familial, les diplômes de leurs parents et leur niveau culturel. Ils sont d’ailleurs systématiquement évalués à l’entrée au CP et voilà ce qu’il en ressort, toujours selon ce rapport : à l’issue de ces tests, un élève qui fait partie des 10% d’écoliers les plus faibles n’a qu’une chance sur trois d’arriver en sixième sans redoubler…
Un peu désespérant mais fort heureusement, les individus sont encore capables de faire mentir les statistiques. Qu’y avait-il dans le fameux rapport de l’INSERM de 2005 qui en fit bondir plus d’un ? Ce rapport proposait par exemple « des suivis sanitaires et médicaux réguliers dans les structures de garde de la petite enfance pour détecter et prendre en charge dès le plus jeune âge ceux qui montrent des troubles comportementaux ». Autrement dit, selon ce rapport et par conséquent l’utilisation qu’il pourrait en être faite, seraient étiquetés comme futurs délinquants non seulement les enfants hyperactifs mais aussi tous les petits de deux ans et demie qui passent par leur phase d’opposition, refusant tout en bloc, vociférant, tapant du pied et pourquoi pas se roulant par terre… Autant dire quasi tous les enfants !
Ce à quoi Pierre Delion, professeur de pédopsychiatrie à la faculté de Lille 2 et notamment auteur de Tout ne se joue pas avant 3 ans, répond avec force qu’il ne faut pas « stigmatiser comme pathologique toute manifestation vive d’opposition, inhérente au développement de l’enfant, en isolant les symptômes de leur signification dans le parcours de chacun » et que, si trouble du comportement il y a, il convient de reconnaître la souffrance psychique d’y apporter des solutions, thérapeutiques ou pas. Alors, pour les parents, à qui se fier ? Sans doute d’abord à son instinct car celui-ci trompe rarement quant au bien-être de l’enfant et donc à son bon développement.Et ne perdons jamais de vue que tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir !

 Virginie Barret, psychologue et conseillère d’orientation : « On ne peut pas prédire l’avenir »
« Je ne crois pas au fait que l’on puisse prédire l’avenir d’un enfant dès la maternelle. Dans l’orientation scolaire, je vois des jeunes pour qui ça ne va pas très bien à l’école et qu’on revoit beaucoup plus tard, une fois qu’ils se sont stabilisés dans leur personnalité… Il y a vraiment des parcours étonnants. Il ne faut jamais penser que tout est joué à un moment donné. Parfois on en a l’impression mais pas du tout. Les enfants rebondissent. Toutes les ressources qu’ils auront accumulées leur serviront un jour. Tout ce qu’on leur a apporté dans leur enfance, les influences culturelles, les voyages, l’éducation, les rencontres, on a parfois l’impression que ça n’imprime pas tout de suite mais on le voit après quand ils sont jeunes adultes. Souvent après le bac, dans les premières années d’études supérieures, quand ils ont trouvé leur voie. C’est vrai que c’est angoissant pour les parents parce qu’il faut attendre très longtemps et tenir la distance sans désespérer ».

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