Souvenirs, souvenirs

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Parfois, même en y réfléchissant bien, on a du mal à se rappeler un épisode de notre enfance. On a comme une impression de mémoire fragmentée. Pourquoi avons-nous oublié une grande partie de notre enfance ? Que se passe-t-il dans le cerveau des enfants ? Avons-nous que des souvenirs d’événements très particuliers, qui nous ont marqué ? Notre mémoire et les souvenirs de notre enfance dépendent d’un processus est très complexe, et bien sûr de chaque individu.

Pas une mémoire, mais des mémoires

Souvent nous parlons dans le langage courant de la mémoire, mais il faut apprendre à conjuguer le mot au pluriel. Notre cerveau comporte en effet plusieurs mémoires. Les pleurs lors de sa première rentrée scolaire, comment on fait du vélo, les dernières vacances formidables à l’Île Maurice, deux synonymes du mot vitesse, le prénom de ses parents, le numéro de téléphone composé deux minutes plus tôt, les règles du tarot, la nécessité de s’arrêter au feu rouge, le pluriel de cheval… toutes ces informations stockées dans notre cerveau ne sont pas de même nature.

La première distinction concerne la durée d’un souvenir : on distingue le système de mémoire à court terme du système de mémoire à long terme. Une information est d’abord encodée, puis stockée. Mais tout encodage n’est pas suivi d’un stockage, car nous oublions en permanence des informations inutiles. Heureusement, sans cela notre cerveau serait vite saturé !

La mémoire épisodique

La notion de mémoire épisodique est associée à un niveau de conscience qui lui serait propre. Cette conscience, permet aux individus de se projeter dans le passé, de revivre dans leur contexte d’origine les événements qu’ils se remémorent, et d’imaginer le futur.

La remémoration fait appel à la récupération consciente du contenu contextuel d’un évènement, alors que la familiarité repose sur le jugement de la force d’un souvenir. Par exemple, nous pouvons souvent reconnaître un visage en nous souvenant des circonstances particulières de la première rencontre. Nous pouvons aussi le reconnaître simplement parce qu’il nous parait familier, bien que nous soyons incapables de retrouver le lieu et le moment où nous avons initialement croisé la personne.

Les mémoires à long terme

Elle concerne des informations acquises et durablement retenues, mais qui ne font pas l’objet d’un rappel conscient. Un exemple simple concerne les formes procédurales de la mémoire : nous apprenons à nager, à faire du vélo, à conduire… et ces règles restent inscrites sans effort. Elles nous reviennent quand nous sommes en situation de les appliquer. Plus nous pratiquons, plus elles reviennent facilement. La mémoire implicite se confond en partie avec l’inconscient. De surprenantes expériences sur les amnésiques ont montré que si leur mémoire épisodique est effacée, leur mémoire procédurale reste intacte. Elle ne renvoie pas au même système neuronal dans le cerveau. Bien des phénomènes de la vie quotidienne relèvent de la mémoire implicite et inconsciente. Si nous avons subi un désagrément dans une situation donnée. Par exemple, un vol à l’arraché dans une rue piétonne, le souvenir même non explicite peut guider en partie notre comportement inconsciemment, nous évitons la rue, nous serrons notre sac contre nous, nous sommes stressés, etc.

La mémoire non-déclarative fait aussi que nous sommes sensibles à des stéréotypes ou des préjugés, qui peuvent apparaître tôt au cours du développement : le bébé produit déjà certaines associations, et bien sûr nous le faisons tout au long de notre vie. La psychanalyse est en large partie fondée sur l’exploration de cette mémoire enfouie, non-déclarative, qui influence nos comportements sans passer par la conscience.

Les faux souvenirs

La mémoire épisodique est sujette aux illusions. Généralement, la vulnérabilité aux faux souvenirs décroit au fur et à mesure que les enfants grandissent. Mais il existe des exceptions à cette orientation développementale. Dans certaines tâches de mémoire, par exemple celles reposant sur l’existence d’un thème commun partagé par tous les éléments à mémoriser, ce sont les enfants les plus jeunes qui sont les mieux protégés contre les faux souvenirs. La sensibilité aux faux souvenirs suivrait donc des directions développementales différentes en fonction des processus sous-tendant la performance dans une épreuve de mémoire donnée.

Les stades de progression de la mémoire du nourrisson

Les nourrissons reconnaissent la voix de leur mère, entendue tout au long de la période grossesse. Mais ils sont encore incapables de mémoriser des événements qui durent plus de 10 secondes. Cette « carence » de mémoire à long terme s’explique par un processus de maturation cérébrale qui ne s’achève qu’au stade de la petite enfance. Cette inaptitude à la mémoire à long terme explique en grande partie que l’adulte ne conserve aucun souvenir des premiers jours de sa vie. Rapidement le nourrisson identifie les gestes et les bruits quotidiens de son environnement et réagit, par exemple, au rituel de préparation du biberon.

Mais à ce stade, l’enfant ne possède pas encore une mémoire consciente et ne peut donc stocker les informations. Il réagit simplement aux stimuli qu’il reçoit (odeurs, toucher, émotions communiquées, etc.) par le plaisir ou le déplaisir. Pour cette raison, les pédopsychiatres recommandent de construire un véritable dialogue avec le nourrisson afin de solliciter sa mémoire des émotions et des sensations, provoquant ainsi des réponses qui permettront à l’enfant de s’adapter à son milieu. À 2 mois, le bébé se souvient d’événements survenus dans les dernières 48 heures. A 4 mois, cette capacité passe à une semaine.

Est-il possible d’entraîner la mémoire de bébé ?

Même si ses capacités physiques et intellectuelles croissent de manière exponentielle, attention à ne pas confondre le nourrisson avec un athlète de la performance cérébrale ! Lui parler, le toucher, le caresser, jouer avec lui, écouter de la musique, constituent des actions stimulatrices amplement suffisantes, à condition d’être fréquentes.

Surstimuler le nourrisson ne peut conduire qu’à une fatigue excessive, entraînant à son tour des conséquences opposées aux résultats recherchés : déconcentration, mémorisation et apprentissage ralentis… Mais bien sûr, petite-enfance et enfance seront ensuite les grandes années d’apprentissage : stimuler les capacités cognitives de son enfant, au moment où les neurones forment leurs liaisons, c’est lui donner les meilleurs atouts pour l’avenir.

La mémoire de l’enfant, par Ana Maria Soprano et Juan Narbora, Editions Masson, 31,50€

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