A l’école, la violence, c’est pas du jeu

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Le jeu du foulard ou de la tomate, tout le monde ou presque en a déjà entendu parler. Tous les parents savent aujourd’hui ou à peu près, qu’une simple écharpe à l’école peut être dangereuse. Chacun a vaguement entendu parler d’accidents. Vaguement. On sait moins que plusieurs centaines de cas de décès suite à des « jeux dangereux » ont été recensés par SOS Benjamin depuis sa création et que, dans certains cas, des accidents de ce type sont classés sans suites, assimilés trop vite à des suicides.

Un « t’es pas cap » mortel

Les jeux d’asphyxie, très « tendance », se pratiquent en secret. Dans l’esprit « t’es pas cap », ils sont souvent le passage obligé pour intégrer le groupe, ne pas passer pour une mauviette. Un enfant qui tombe dans les pommes et raconte ensuite son expérience, ça fait rire les copains et certains de ces jeux procurent un plaisir non identifié par les enfants comme morbide mais qui, pourtant, rend bien des victimes accros. Jusqu’à renouveler seules, chez elles, l’expérience. Et parfois à en mourir faute d’avoir pu être sauvées à temps.

Pourquoi les enfants sont-ils accros aux jeux d’asphyxie ?

Les jeux d’asphyxie (jeu du foulard aussi appelé entre autres été indien ou rêve bleu, jeu de la tomate, jeu du sternum) entraînent une non oxygénation du cerveau, plus ou moins longue, plus ou moins irréversible, par pression sur la carotide ou le sternum. Avant de s’évanouir, dans les cas les moins graves, l’enfant a des hallucinations, notamment visuelles… Qu’il raconte ensuite à ses copains qui viennent de le réveiller à coups de gifles. Lorsque l’enfant prend goût à ces sensations fortes, il les reproduit à la maison, souvent à l’aide d’une ceinture ou de tout autre lien. Et lorsque l’on sait que seuls trois des accidents mortels connus de SOS Benjamin, association qui lutte contre ces jeux dangereux, ont eu lieu dans l’enceinte de l’école, pourtant lieu de cet apprentissage, on imagine facilement qu’il faut faire preuve de vigilance aussi à la maison.

Quels sont les signes qui doivent alerter ?

Dialoguer, chercher à savoir ce que font nos enfants en récré, essayer de repérer des signes visibles : autant de préventions à mener aussi à titre individuel. Ces signes, quels sont-ils ? SOS Benjamin a édité un Guide Pratique de Prévention des Jeux Dangereux qui nous les énumère : de violents maux de tête, des joues rouges, des marques dans le coup, une présence d’aérosol dans la chambre sont autant de signes physiques indicateurs. Un repli sur soi, une hantise de quitter un lien (une corde, une ceinture qui remplacent les pouces du copain), une phobie scolaire, un comportement irritable et agressif, même s’ils ne sont évidemment pas à assimiler systématiquement à ces pratiques, doivent aussi amener les parents à se poser la question.

A l’attaque !

Outre les jeux d’asphyxie, d’autres fléaux sévissent aussi dans les cours de récré, tout aussi préoccupants pour la santé des enfants : les jeux d’attaque. Parmi eux, le jeu de la canette qui désigne une victime qui sera rouée de coups si elle ne rattrape pas la canette ou tout autre objet assimilé qui lui sera envoyé. Le jeu de la mort subite, aussi appelé jeu de la couleur, consiste à frapper et humilier toute la journée celui qui portera le plus de vêtements de la couleur désignée le matin. Dans un autre registre, le « happy slapping », venu d’Outre-Manche. On frappe, au hasard, on filme avec son portable et on se repasse la scène comme un moment héroïque… SOS Benjamin, là encore, se bat, demandant purement et simplement l’interdiction du portable dans les établissements… Et se heurte à des arguments qui mettent en avant l’atteinte à la vie privée…

Qui est victime, qui est bourreau ?

Les participants aux jeux sont souvent dits « volontaires ». En réalité, même si parfois les joueurs sont tour à tour agresseurs et agressés, les choses ne sont pas si simples. Le docteur Grégory Michel, psychothérapeute à l’hôpital Robert Debré à Paris, maître de conférences à l’université de Tours et partie prenante d’un groupe de prévention des jeux dangereux, fait une nette distinction entre les enfants contraints et les meneurs. « Tous ces jeux sont plutôt initiés par des plus grands ou des enfants charismatiques. Ils s’assimilent à des formes de bizutage par lequel il faut passer, sous peine d’être exclu tout au long de l’année. Certains décident de participer, d’autres non. Les meneurs s’en prennent soit à deenfants plutôt timides et anxieux, des proies faciles, soit à des enfants qui attisent leur jalousie par des qualités qu’ils n’ont pas».

Danger psychologique

Ces pratiques ne sont jamais le motif des consultations chez les psys. Les parents viennent parce qu’ils trouvent leur enfant déprimé, triste. Et ce n’est que plus tard que l’on décèle parfois ce qui se passe dans le quotidien de l’enfant. Le travail du médecin s’assimile alors à une pratique de psychologie du traumatisme. Car au-delà et même en amont du danger physique, c’est aussi tout un équilibre psychologique qui est menacé. L’intimidation, le harcèlement, l’humiliation sont elles aussi invitées d’honneur des cours de récré. Et pour les autres, les volontaires, comment expliquer de telles pratiques ? « Certains enfants qui se livrent aux jeux d’asphyxie éprouvent un plaisir lié à ce qu’ils endurent, ils comblent leur soif de sensations fortes et ils multiplient cette pratique parfois plusieurs fois par jour. Elle leur devient nécessaire. C’est un peu comme une toxicomanie sans drogue ».

Jeux dangereux… à lire

Alerte aux jeux dangereux par Magali Duwelz aux éditions Le Cercle des Auteurs, 2006 (cet ouvrage peut être commandé sur le site de l’association SOS Benjamin).
Nos enfants jouent à s’étrangler…en secret par Françoise Cochet aux éditions François-Xavier de Guibert, 2001
La prise de risque à l’adolescence par le docteur Grégory Michel, aux éditions Masson, collection Ages de la vie, 2001

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