Droit opposable à la garde d’enfants : trop beau pour être vrai ?

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Dans quelques années, les parents qui ne trouveront pas de solution pour faire garder leurs tout petits pourront attaquer en justice les collectivités qui ne leur viendraient pas en aide. C’est en tout cas l’ambition du gouvernement qui annonçait il y a quelques semaines la mise en place du droit opposable à la garde d’enfants pour 2012. Un rêve pour bien des familles qui, pour se réaliser, impliquerait entre autres la création d’au moins 350 000 places en crèche supplémentaires en quatre ans… Entre convaincus et sceptiques, les paris sont ouverts !

C’était une promesse de campagne de Nicolas Sarkozy. L’annonce de sa mise en place pour 2012 par Xavier Bertrand, ministre en charge de la Famille, en février 2008, tombait à pic pour calmer les esprits après la polémique suscitée par la réforme de la carte « famille nombreuse » et des allocations familiales. Le gouvernement devrait soumettre un texte de loi au Parlement en 2009.

 L’une de ses principales difficultés sera de délimiter le périmètre de ce droit. Car les modes de garde incluent les crèches, haltes-garderies et autres structures collectives publiques mais aussi les structures associatives et les crèches d’entreprises privées, sans oublier les solutions individuelles privées avec les assistantes maternelles.

Qui exactement sera considéré comme responsable d’apporter ou pas une réponse aux demandes des parents ? Les familles devront-elles s’adresser à la justice ou à une commission ? Ce droit opposable sera-t-il réservé aux seuls parents qui travaillent tous les deux ?

Garde d’enfant : les places sont chères !

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Autre difficulté, et non des moindres, ce droit suppose de combler très rapidement le manque encore cruel de places d’accueil : 350 000 à 400 000 selon le gouvernement, 430 000 selon la Cnaf (Caisse nationale des allocations familiales). Or, le plan petite enfance de novembre 2007 a prévu la création de « seulement » 40.000 places en crèche d’ici à 2012 ; le développement des places en crèches d’entreprises, que le gouvernement appelle de ses vœux, est encore modeste avec 3 500 places créées depuis 2004 ; enfin, une seule place en crèche représente 11 000 euros d’investissement et 15 000 euros annuels de budget de fonctionnement…

Et puis l’Education nationale accueille encore beaucoup d’enfants de deux ans, souvent parce que les parents n’ont pas d’autre choix… Mais cette tendance est très controversée et nombre de ces petiots pourraient dans quelques années grossir les rangs des bambins qui ne savent pas où « crécher » quand papa et maman travaillent. Alors, bien sûr, le gouvernement est attendu sur les moyens qu’il compte débloquer pour la mise en place de ce projet qui paraît pour le moins ambitieux en l’état actuel des choses. Qu’à cela ne tienne répondait Xavier Bertrand le 18 avril 2008 en annonçant l’attribution d’un milliard d’euros de moyens nouveaux pour la petite enfance sur la durée du quinquennat.

 Une somme considérable mais mobilisable selon le gouvernement. Après quatre années de déficit, la branche famille de la sécurité sociale devait renouer avec l’équilibre en 2008 et même afficher un léger excédent. Le Sénat le confirmait dans un rapport : « Cette situation, si elle est confirmée, annoncerait un cycle faste pour la branche famille qui pourrait connaître plusieurs années d’excédent : 3 milliards d’euros en 2010, 4 milliards en 2011, 5 milliards en 2012 ».

 Tout le monde n’est pas si optimiste. Parmi les sceptiques, Olga Trostiansky, adjointe au maire de Paris chargée de la petite enfance, s’insurge : « Comment faire espérer aux jeunes parents qu’ils pourront attaquer les collectivités locales quand par ailleurs la droite a empêché le développement des crèches en France en bloquant les crédits d’action sociale des CAF dans une enveloppe très contraignante ? »

Garde d’enfants pour tous, espoir ou illusion ?

A priori, le droit opposable à la garde d’enfant est une excellente perspective. Près de 600 000 parents (98% de mères) ont aujourd’hui recours au congé parental qui permet de cesser le travail sans perdre son emploi jusqu’au troisième anniversaire de l’enfant, ce qui résout les problèmes de garde avant l’entrée en maternelle. Peu rémunéré (530 euros mensuels au maximum), il est souvent vécu plutôt comme un pis aller que comme un vrai choix : 37% des bénéficiaires déclarent qu’elles n’ont pas trouvé de mode de garde, 40% qu’elles ont des horaires incompatibles avec une garde. Une situation loin d’être épanouissante pour des femmes qui, grâce à ce droit opposable, s’il fonctionnait, pourraient renouer plus rapidement avec une vie professionnelle et du même coup augmenter leur pouvoir d’achat.

Seulement voilà, dans les chaumières, on doute sérieusement et l’on est, expérience oblige, beaucoup plus prosaïque. Il suffit pour s’en rendre compte de faire un tour sur Internet, où les forums féminins se sont d’ores et déjà largement emparés du dossier. Une maman s’insurge sur leblogbebe.com : « D’abord, ça veut dire quoi, ne pas trouver de garde pour son enfant ? Par exemple dans mon village, il y a des places libres chez certaines assistantes maternelles. Mais entre celle qui refuse le doudou et la tétine à l’enfant de 6 mois, celle qui a deux chiens de 40 kilos à la maison et celle qui interdit l’accès au salon aux enfants sous prétexte que c’est son coin à elle, bref…

 Des places, il y en a mais mes enfants chez elles, jamais ! ». Voilà qui pose aussi le problème du personnel qu’il faudra former pour mettre en place ce droit, sachant que le recrutement des auxiliaires de puériculture est insuffisant et que les départs en retraite seront nombreux dans ce secteur d’ici à 2015. Sans oublier les besoins en assistantes maternelles, estimés à quasi 80 000 sur un effectif de 260 000 d’ici à 2012.

Une autre maman, ironique, commente : « Ben oui, c’est pratique, tu n’as pas de place en crèche, tu vas devant le tribunal  et deux ans plus tard, tu as la réponse… Ton enfant est déjà à l’école, c’est ballot ! ». Car se pose aussi la question des institutions juridiques, pas vraiment réputées pour leur réactivité… Alors, la mise en place du droit opposable à la garde d’enfants sera-t-elle une vraie aubaine ou connaîtra-t-elle les mêmes affres que le droit opposable au logement qui peine à trouver… Des logements justement ? L’avenir le dira !

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