Des cahiers de vacances mal conçus

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Etty Buzyn est psychologue clinicienne et psychanalyste. Elle est l’auteur de plusieurs ouvrages dont lé désormais célèbre  Papa, maman, laissez-moi le temps de rêver  publié chez Albin Michel.

Devoirs de vacances: du repos avant tout

Côté Mômes : Quel est votre avis de spécialiste de la psychologie enfantine sur les devoirs de vacances ?
Etty Buzyn :
Avant 7 ans, il n’est même pas question d’en parler. Ensuite, cela peut valoir la peine pour travailler sur quelques difficultés particulières. Pour les élèves sans souci scolaire, je n’en vois pas l’intérêt. Dans tous les cas, il faut laisser les enfants tranquilles au début des vacances, au moins un mois après la fin de l’année scolaire, les laisser se ressourcer, mettre leur esprit au repos. Ensuite, un peu avant la rentrée, quinze jours avant par exemple, on peut faire une petite mise en condition. La lecture, des exercices oraux sous forme de jeux sont à la fois formateurs et agréables.

CM : Que pensez-vous des cahiers de vacances en eux-mêmes ?
Etty Buzyn :
C’est un guide pour les parents, bien sûr. Mais franchement, même si cela peut paraître dérisoire, je trouve que ces cahiers sont mal conçus. Ils ne sont pas adaptés à l’écriture des enfants, ni à leur confort. Ils n’ont pas la place pour écrire, ce qui est d’emblée décourageant pour eux. Et puis quand ils voient ce cahier, tout ce qu’il contient, ils ne peuvent que se dire qu’ils n’y arriveront pas. Il faudrait peut-être présenter tout cela sous forme de fiches dans lesquelles ils pourraient avoir la liberté de piocher. Quand une fiche serait faite, ils auraient au moins le sentiment du devoir accompli, valorisant.

Ces cahiers font vraiment preuve d’un manque de psychologie élémentaire par rapport aux enfants. Si c’est comme à l’école, ce ne sont pas des vacances. Et dans ces conditions, il est bien difficile d’obtenir d’eux l’implication quotidienne que demandent ces cahiers. Résultat : les enfants sont découragés, les parents culpabilisent de ne pas « avoir fait leur boulot », qui, soit dit en passant, n’est pas leur boulot puisqu’ils ne sont pas enseignants et tout cela devient un sujet de conflit… Ce qui ne prépare pas du tout à une rentrée légère et à une adhésion des enfants à l’apprentissage. Je suis d’ailleurs prête à donner mon avis sur la question aux concepteurs de ces outils et à coopérer avec eux pour en concevoir de meilleurs !
CM : Les vacances doivent-elles donc n’être que du repos ?

Etty Buzyn : Pas que du repos mais du plaisir, oui, y compris ceux qui donnent le goût d’apprendre. Et l’on peut en trouver, d’essentiels même, partout où l’on se trouve. Il y a beaucoup de choses à faire avec les enfants, en fonction de son environnement. Quand mes enfants étaient petits, ils inventais des histoires que j’écrivais sur une page de cahier et, sur la page d’en face, ils dessinaient, faisaient des collages, laissaient s’exprimer leur imagination en fonction des ces histoires. C’était une réalisation commune, qui nous rapprochait, une création de bout en bout, sans jugement de valeur. C’est aussi cela que permettent les vacances et c’est précieux.

Stop aux devoirs de vacances
« Instituteur près de 10 ans en banlieue parisienne, j’ai une grande réticence contre l’achat systématique de cahiers de vacances par les parents. Non que je sois un ennemi farouche des maisons d’édition qui les produisent en quantités astronomiques chaque année, mais parce que les vacances ne sont pas faites pour ça ! Un cahier de vacances propose aux parents d’endosser le rôle du maître deux heures par jour par la forme mais pas par le fond. Les vacances doivent servir à pratiquer les connaissances acquises et pas à les réviser encore et encore en dehors d’un contexte. Ecrire du courrier, tenir un journal ou un carnet de voyage à quatre mains avec ses enfants fait plus pour l’apprentissage du français que de s’acharner devant un exercice de conjugaison ou une dictée. Les vacances sont le moment idéal pour permettre à l’enfant de comprendre que l’apprentissage scolaire et la vie ne font qu’un, qu’ils s’étayent et s’enrichissent tour à tour. »

Laurent Rochut, fondateur et directeur de publication Côté Mômes

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