Pour lutter contre les violences scolaires, des solutions concrètes sont sur le point d’être mises en place. Le “programme des trois figures”, qui s’adresse aux écoles maternelles, en fait partie. Un jeu qui vise à lutter contre la violence et la victimisation des tout petits.
La récente étude pilotée par le chercheur Eric Debarbieux, spécialiste des violences à l’école, l’a montré : les violences scolaires sont de plus en plus préoccupantes. Cette étude a notamment montré qu’un collégien sur dix se considérait victime de harcèlement à l’école.
Le psychiatre, psychanalyste et docteur en psychologie Serge Tisseron a mis en place avec le soutien du ministère de l’Education nationale, des solutions concrètes pour lutter contre ces violences à la source. Lors du colloque “Enfants victimes, futurs adultes” qui s’est tenu à Paris début novembre 2011, il en a exposé les principes.
Un programme sur quatre niveaux
L’idée : mettre en place un programme sur quatre niveaux, pour trouver des solutions adaptées à tous les âges de l’enfance. D’abord, une vaste campagne qui sera menée par les pédiatres auprès des parents (la « règle 3-6-9-12 »). Puis pour la maternelle, le primaire et le collège, des programmes adaptés seront mis en place dès janvier 2012.
Comment combattre les violences scolaires ?
Les actions du gouvernement visent en ce moment plutôt à déceler précocement les tendances violentes chez les enfants. « Absurde ! », selon Serge Tisseron. « L’important, c’est de s’adresser autant aux enfants qui ont tendance à être violents qu’à ceux qui ont tendance à être victimes. » D’autant que ces deux profiles peuvent être alternatifs. « Les élèves violents ont souvent été victimes. Pas nécessairement de maltraitance intentionnelle, mais aussi de difficultés familiales, sociales économiques ».
Ces enfants ont donc le profile de victime. Ils réagissent de manière violente pour ne plus se retrouver dans cette position. Comment renverser la vapeur ? C’est là que le « programme des trois figures » intervient.
Le « programme des trois figures », qu’est ce que c’est ?
Permettre aux enfants d’expérimenter d’autres « figures » qu’ils ont déjà en eux, voilà tout le but de ce jeu. Chaque semaine, dans les classes de maternelle, le maître réunira les enfants, et leur posera cette question : « Y a-t-il des images dont vous avez envie de parler ? ». « 80% des programmes regardés par les quatre-douze ans ne leur sont pas destinés », explique Serge Tisseron. C’est donc l’occasion de discuter des images parfois violentes vues par les enfants.
Il s’agit ensuite de se les réapproprier. Les enfants doivent construire, tous ensemble, un scénario qui s’inspire de ces images. « Naturellement, ils construisent des scènes dans lesquelles on retrouve systématiquement un agresseur, une victime, et souvent un sauveur. » Ensuite, les enfants jouent les scènes. Si l’enfant décide de jouer, il doit impérativement jouer tous les rôles. A chaque geste, il associe une phrase.
Des « modèles internes opérants »
Ces rôles, c’est ce que Serge Tisseron appelle des “modèles internes opérants”. Autrement dit, des modèles de comportement que l’enfant va intérioriser et qu’il pourra réutiliser dans les moments de tension. « Dans les écoles maternelles où le programme a été essayé, les maitres disent que la récréation était bien calme avant », raconte le psychiatre. « Maintenant, c’est ‘Je t’attaque !’ et ‘Aïe, tu me fais mal !’ toutes les deux minutes. » L’objectif final étant d’apprendre aux victimes à réagir, à sortir du silence et à bâtir des stratégies d’opposition à la maltraitance.
La grande nouveauté de ce programme, c’est qu’il ne stigmatise à aucun moment les agresseurs potentiels : tous les enfants intériorisent ces nouveaux modèles en même temps. Résultat : selon l’évaluation qui a suivi les essais du « programme des trois figures » dans les écoles, les enfants sont moins enfermés dans les rôles de bourreau et de victime, mais ce n’est pas tout : il font également plus facilement appel aux adultes pour gérer les conflits.
A partir du moins de janvier, ce programme va être intégré dans toutes les écoles maternelles d’Ile-de-France. Dans les mois qui suivront, il sera mis en place dans toute la France.
