Education en milieu pénitentiaire

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Sylvie Rostain préside l’association Mille Mots & Plus qui aide des mineurs majoritairement déscolarisés à leur entrée en prison, souffrant d’illettrisme, de difficultés de lecture et d’un fort déficit lexical. Elle nous livre ses motivations, ses projets, ses espoirs.Côté Mômes : Qu’est-ce qui a motivé votre envie de créer Mille mots puis Mille mots & plus avec Alexandre Jardin ? Sylvie Rostain : Tout ce qui me motive dans la vie, c’est le lien. Il est très dommageable que chacun reste dans son rail, n’ait pas la possibilité d’aller au-delà. Cela crée des mondes parallèles, ce qui attise les peurs. La banlieue, par exemple, c’est un monde à part, mais pas autant qu’on veut bien le penser. Deuxième considération : lorsqu’on a été incarcéré, même pour des faits mineurs, on est marqué au fer rouge et on ne peut pas trouver d’emploi. Et puis, l’expérience de Mille mots nous encourage à continuer : en quatre ans d’application de ce programme, on a eu un seul abandon. Aussi bien du côté de l’administration pénitentiaire que des mineurs ou des bénévoles, tout le monde trouve cela formidable. Les équipes sont demandeuses d’une année sur l’autre, les mineurs sont quasi tous volontaires et le comportement des mineurs qui suivent Mille mots pendant un certain temps change de façon extrêmement visible. Ils restent assis en cours, ils sont beaucoup plus assidus, beaucoup plus attentifs.

CM : Comment les bénévoles sont-ils recrutés ?
SR : Ce sont les équipes des maisons d’arrêt qui, dès l’instant où elles ont accepté de recevoir 1000 mots, recrutent leurs bénévoles – deux ou trois par maison d’arrêt – et ils les recrutent autour d’eux, dans les milieux associatifs, dans les mairies et pourquoi pas dans leurs familles. Ce sont des gens plutôt retraités qui ont souvent été éducateurs ou enseignants ou des femmes qui ne travaillent pas. Lire un livre et en expliquer le vocabulaire ne demande pas une technicité mais le fait d’avoir été enseignant donne une méthode pour aborder les choses. Or, nous ne faisons pas d’angélisme – ils sont quand même là pour un délit – et nous ne pouvons pas fonctionner non plus par altruisme ou en ayant pitié de ces jeunes. Nous devons avoir assez de recul pour leur être utiles. D’autre part, les bénévoles ne connaissent pas le dossier du mineur. Si ce dernier veut leur dire, pourquoi pas, mais ça s’arrêtera là. En général, les bénévoles ne voient pas les mineurs en dehors de la maison d’arrêt une fois qu’ils sont sortis même si des liens très forts se tissent parfois pendant la durée du programme.

CM : Quels sont les partenaires privilégiés de Mille mots & plus pour l’insertion des jeunes dans l’entreprise ?
SR : Nous avons déjà des partenariats avec l’AFPA, l’Ecole de la Deuxième Chance (programme européen lancé par Edith Cresson dans les années 80) ou encore Unis-cité. Nous allons aussi passer des accords avec d’autres organismes de formation et d’éducation, des associations et des entreprises. Nous avons pour l’instant des accords de principe, sachant que l’on a établi un programme sur trois années et que, en année « une », on a estimé que l’on aurait une dizaine de jeunes à placer. Nous allons dans un premier temps fonctionner sur deux sites pilotes, Fleury-Mérogis et l’EPM de Meyzieu (Lyon). Le modus operandi va être assez simple : on va signer un protocole avec le ministère de la Justice et vraisemblablement celui de l’Education puisque ce sont les enseignants qui relaient Mille mots s’ils le souhaitent en maison d’arrêt. Cela va nous permettre d’entrer dans ces maisons et nous allons demander à tous les intervenants, formateurs et entreprises d’envoyer des orientateurs, de se présenter et de venir voir les mineurs sur les deux sites.

CM : Comment envisagez-vous l’avenir pour ces jeunes ?
SR : Nous avons vraiment envie qu’ils aient une carrière, une vraie progression. Nous allons essayer de signer des accords avec des grosses fédérations qui sont en déficit de recrutement, comme le bâtiment par exemple. Mais, encore une fois, nous ne sommes que le lien « facilitateur ». Au final, c’est l’entreprise qui décidera de les embaucher, de les garder ou pas. Il ne s’agit pas de les privilégier s’ils ne sont pas compétents. Ils seront soutenus par un psychologue, un orientateur mais il faudra qu’ils aient la volonté de se lever le matin, de s’accrocher et de s’y tenir. Nous allons aussi faire en sorte qu’ils ne soient pas pénalisés par des soucis d’ordre financier. Quand ils vont entrer en formation, si c’est trop loin de chez eux, l’association essaiera de trouver une solution, en passant des accords la SNCF et la RATP pour des tarifs préférentiels dans les transports. Nous essaierons aussi de les aider à se loger.

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