Trop d'amour nuit-il ?

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Vivre d’amour et d’autorité

Pour reprendre une jolie chanson de Jean-Jacques Goldman, car les chansons comme les proverbes ont souvent mine de rien raison, méditons un peu sur ces quelques rimes : « Il y a des ombres dans « je t’aime », pas que de l’amour, pas que ça. Un malhonnête stratagème. Ces trois mots là n’affirment pas. Il y a une question dans « je t’aime » qui demande « m’aimes-tu, toi » ? » Car que n’a-t-on exigé de l’autre, que n’a-t-on commis au nom de l’amour quand il vire à la passion comme c’est aujourd’hui souvent le cas de parents à enfants ? Alors, pour parler fort, il faut savoir raison garder entre amour nécessaire et mission parentale pour sauver la vie de nos enfants… Et ce qu’il reste de la nôtre par la même occasion !<!–nextpage–>Caroline Thompson : « Contrairement à la relation amoureuse, la réussite de la relation parents-enfants, c’est la séparation »Psychanalyste et thérapeute familiale, Caroline Thompson est aussi l’auteur de La violence de l’amour paru en 2007 chez Hachette Littératures. Elle nous explique en quoi le fait que l’amour soit désormais le « pilier » de la relation intergénérationnelle est dangereux.

Comment vous est venue l’idée de cet ouvrage qui décrypte la face cachée de l’amour et le rôle qu’il joue aujourd’hui dans la famille ?

Caroline Thompson : Le déclic est venu de la réflexion d’une mère qui n’arrivait pas à se faire obéir de son fils et qui m’a dit « Si je lui dis non, il ne va plus m’aimer ». Il y avait là un glissement entre l’éducatif et l’émotionnel. On est aujourd’hui dans un discours très idéologique sur l’amour, comme si le simple fait d’aimer résolvait tous les problèmes. Or, il n’en est rien. De plus, l’amour ne se commande pas. On a certaines obligations légales vis-à-vis de ses enfants, des responsabilités, mais on a un peu confondu le registre de ce qui était obligatoire avec le registre du sentiment. Il se trouve aussi que l’on ne peut pas obliger qui que ce soit à aimer qui que ce soit. L’attachement parents-enfants existe la plupart du temps mais, même si tout le monde ne veut pas le reconnaître, ce lien se construit socialement et se décline très différemment en fonction notamment de la culture et de l’histoire familiale.

Comment expliquer qu’au nom de l’amour, les parents n’osent plus dire non à leurs enfants ?

Les nouvelles configurations familiales (nombreuses séparations, familles monoparentales, etc.) font que la relation la plus longue d’une vie semble désormais être la relation à ses enfants. Malgré les divorces, mêmes multiples, eux seront toujours là, même différemment. Alors on nourrit cette relation d’un maximum d’amour parce qu’on se dit que là, ça vaut le coup. Parce que, qu’on le veuille ou non, quand on aime quelqu’un, on attend quand même un retour. Et puis on considère aujourd’hui que le lien principal avec l’enfant est un lien émotionnel. Et ça, c’est historiquement complètement nouveau. Avant, si l’amour parents-enfants pouvait exister, il n’était pas le moteur de la relation. Je vous jure qu’autrefois, quand on grondait un enfant, on ne se retrouvait pas en train de déprimer alors qu’aujourd’hui les parents, et j’en vois beaucoup, sont tristes d’avoir à sévir, pour ne pas dire à éduquer ! Ils ont peur de ne pas être aimés, peur que ça puisse aller jusqu’à la rupture du lien à l’adolescence. Je ne vais rassurer personne mais il faut savoir que quand vous grondez un enfant, sur le coup, il vous déteste vraiment. Mais si il sent que ses pleurs vous déstabilisent vraiment, là vous êtes fichu ! Et inversement. Un enfant est complètement perdu s’il sent que vous n’êtes pas sûr de vous, que vous doutez de votre légitimité à agir de telle ou telle façon.

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